Jean, Baptiste PIEL


28/01/1902 Saint-Martin-de-Fresnay (Calvados) – 1/01/1996 Yerres (Essonne)
Élève lycée de garçons
Écrivain-Éditeur-Philosophe-Critique littéraire
Haut fonctionnaire


Photographie : Les Éditions de Minuit

Natif du Calvados, Jean Piel fait ses études secondaires au lycée de garçons du Havre où il se lie d’amitié avec Raymond QUENEAU et Georges LIMBOUR, et où il côtoie Armand SALACROU, Jean DUBUFFET et Pierre BOST.

Il obtient à la Sorbonne une licence de philosophie, se forme en autodidacte en économie politique. Il vit, selon ses propres termes en « étudiant famélique » en donnant des leçons de français aux riches étrangers dans les grands hôtels. Ne pouvant devenir universitaire, ne souhaitant pas être enseignant, il décide de se tourner vers le journalisme et va collaborer, de 1928 à 1939, à divers journaux économiques et financiers. C’est une période où, après le travail au bureau, il gagne les cafés parisiens rive gauche et où il est très lié aux écrivains Raymond QUENEAU, Roger VITRAC, Michel LEIRIS, Jacques PRÉVERT et Georges BATAILLE, dont il est d’ailleurs le beau-frère. Il a épousé en effet Simone MAKLÈS, sœur de Rose (épouse du peintre André MASSON), de Sylvia (épouse de Georges Bataille, puis du psychiatre Jacques LACAN) et de Bianca (épouse de l’écrivain et médecin Théodore FRAENKEL et maîtresse de Georges LIMBOUR)... Dès cette époque, Jean Piel refusera d’adhérer à un parti politique quel qu’il soit.

Mobilisé en 1939, Jean Piel est fait prisonnier en 1940 et passe un an en captivité. Après la Libération, il est nommé par Raymond AUBRAC secrétaire général adjoint pour les affaires économiques de la région de Marseille puis, par Pierre MENDÈS-FRANCE, secrétaire général pour les affaires économiques de la région Poitou-Charentes, avant de devenir inspecteur général de l’Économie nationale. Au total, une vingtaine d’années de haute fonction publique...

Est-ce de ces années que date l’accident de la circulation qui le laissera infirme ? Une fracture mal soignée, pour laquelle il vilipendera les médecins jusqu’à la fin de ses jours, l’obligera à l’usage d’une canne et à recourir à de fréquents bains de mer estivaux, au Havre ou à La Rochelle, pour tenter de calmer les douleurs qui le handicapent...

En juin 1946, Georges Bataille fonde, aux « Éditions du Chêne », la revue « Critique ». Jean Piel, alors en poste à Poitiers, va collaborer à cette revue dès son numéro 2, rendant compte régulièrement d’ouvrages économiques. La revue va connaître quelques difficultés, être reprise par « Calmann-Lévy » avant que sa publication ne soit interrompue pendant quelques mois. En octobre 1950, maintenant dans l’escarcelle des « Éditions de Minuit », elle reprendra son cours. À présent basé dans la capitale (il habite boulevard Maillot à Neuilly-sur-Seine), Jean Piel va devenir, avec le philosophe Éric WEIL, rédacteur en chef adjoint auprès de Georges Bataille de « Critique ». Sans doute la revue n’eût-elle pas survécu bien longtemps sans le dévouement et la compétence de l’homme de l’ombre qu’était Jean Piel, Georges Bataille s’occupant de bibliothèques en province, puis étant miné par la maladie.

Jean Piel va alors se partager entre deux professions le passionnant autant l’une que l’autre. L’inspecteur général de l’Économie nationale s’attache à l’aménagement du Bas-Rhône-Languedoc, et particulièrement aux grands travaux portuaires de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Il peut également avoir à vérifier « l'application de la loi sur le contrôle des prix (ce n'était pas exaltant); ou encore procéder à des enquêtes sur des histoires de stocks de blé avariés ou sur les revendications des producteurs de vins, d'huile d'olive, de fruits et légumes… ». Le rédacteur en chef adjoint de « Critique » confectionne la revue, et inaugure même la collection « L’usage des richesses » aux « Éditions de Minuit » avec son livre « La fortune américaine et son destin », publié en 1948 et bientôt suivi, en 1949, par « La part maudite » de Georges Bataille, qui clôturera la collection. Cette vie-là « était toute littéraire, faite de lectures, de fréquentation de cercles, d'aventures intellectuelles. Et d'amitiés » (Libération du 4 janvier 1996).

En 1962, Georges Bataille meurt et Jean Piel est le nouveau directeur de la revue « dont la fonction était de servir de médiation entre les écrivains et les jeunes universitaires d'une part, le public cultivé de l'autre », le « patron » comme l’appelle affectueusement Michel FOUCAULT. En même temps qu’il dirige le transfert des Halles à Rungis, il crée la collection « Critique » qui va lui permettre, auprès de certains écrivains déjà confirmés comme Michel Leiris, de lancer une quantité de jeunes auteurs : Roland BARTHES, Maurice BLANCHOT, Yves BONNEFOY, Michel BUTOR, Michel DEGUY, Gilles DELEUZE, Jacques DERRIDA, Michel Foucault, Félix GUATTARI, Pierre LEGENDRE, Emmanuel LEVINAS, Alain ROBBE-GRILLET, Michel SERRES, entre autres, avec qui il va connaître quelques grands succès d’édition. D’autres collaborateurs les rejoindront, au fil des ans : Jacques BOUVERESSE, Hubert DAMISCH, Clément ROSSET, Vincent DESCOMBES, Luce IRIGARAY, François ROUSTANG, Antoine COMPAGNON, Louis MARIN… Jean Piel redoublera d’ardeur quand il sera libéré par la retraite de son travail de Haut-fonctionnaire. « Jean Piel était l'homme des « réseaux », l'artisan des rapprochements, passionné par ce qui apparaissait de nouveau dans les idées, la peinture ou la littérature, toujours soucieux de repérer le talent avant qu'il ne soit reconnu de tous, presque provocateur dans sa volonté de «toujours remettre en cause ce qui est admis ou au contraire ce qui est oublié » » (Libération). C’était également l’« homme de l’amitié »...

En 1982, il publiera aux « Éditions Fayard » ce qui ressemble fort à une autobiographie (même s’il s’en défendait), intitulée « La Rencontre et la Différence ». Il y écrit en effet : « Bien que le pronom personnel je figure dans plus d'une page de ce livre, celui-ci n'est en aucune mesure autobiographique ». Cet homme, décrit comme fort discret, a toujours su cacher les « malheurs ou félicités » de sa vie intime.

Il meurt à l’âge de 93 ans et est inhumé à Saint-Martin-de-Fresnay, son village natal rattaché depuis 2017 à la commune nouvelle de Saint-Pierre-en-Auge. Son épouse le suit de quelques jours dans la mort.

Il était décoré :

  • de la Légion d’honneur, au grade d’officier.

Sources : http://www.leseditionsdeminuit.fr/auteur-Jean_Piel-1685-1-1-0-1.html et Wikipédia


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 30/10/2022