QUENEAU Raymond

Le Havre 21/02/1903 – Paris 25/10/1976

Élève lycée de garçons 1913 – 1920

Ancien élève

Romancier, poète, philologue et mathématicien


Fonds Queneau

Raymond QUENEAU naît, 47 rue Thiers (notre avenue René Coty), dans une famille relativement modeste (ses parents sont merciers) et catholique. Ce fils unique vit une enfance plutôt solitaire et se découvrira rapidement une passion pour les livres, et notamment pour la littérature et les mathématiques.

Il suit sa scolarité au lycée de garçons du Havre, le futur lycée François 1er, de la 6ème A2 (dont le professeur responsable est Monsieur TRIBOUILLOIS) à la rentrée 1913 jusqu’à la « Philo » en 1919-1920. Il y obtient le prix d’excellence, un prix d'Honneur remis par l'Association des Anciens Elèves en dissertation française, une médaille de vermeil offerte par la Société havraise d’Études diverses, ainsi que des accessits en mathématiques et en physique-chimie, les premiers prix étant monopolisés par Raymond LAS VERGNAS, élève de « Maths Élem », futur écrivain et professeur d’Université. Le jeune QUENEAU est un enfant qui ne court pas aux récréations, préférant observer les autres. Ses jeunes années havraises sont bien sûr marquées par la première guerre mondiale. On pourra retrouver dans son œuvre quelques lignes retraçant cette époque :

« Le 129 partit pour la grande imposture.
À la gare je vis s'embarquer mon cousin.
Vers minuit pour rentrer on prit une voiture
Et dans le fiacre obscur, je criais « À Berlin » »

Ou bien encore : « Le lycée du Havre est un charmant édifice, on en fit en quatorze un très bel hôpital ».
Ou encore : « Bruxelles étant aux mains adverses, on belgifia le Nice Havrais et quand j'allais à Sainte-Adresse, je croyais avoir voyagé ».

Il écrira encore, dans « Un rude hiver », paru en 1939 : « Un tramway l’emmena jusqu’à l’Eure, d’où il revint par les quais et les quartiers ouvriers, une longue promenade à travers un monde de travail et d’horreur. De toute part s’agitaient des machines et des esclaves, l’activité semblait démesurée, abominable. Partout l’espace, haletant et suant, gros de désespoir et de vice, paraissait prêt à sortir de sa cuisse des monstres et des catastrophes. […] Certains quartiers de la ville avec leurs taudis pavoisés de linge et grouillants de mioches, avec leurs bordels et leurs estaminets, représentaient pour lui sur terre l’image la plus proche de l’enfer, à supposer qu’existât ce lieu. […] Il entretenait avec délice sa répulsion absolue et fanatique pour la plèbe du port et des usines, pour la racaille en casquette, les prolétaires bourreaux de leurs enfants, insolents avec les honnêtes gens, ivrognes, brutaux, séditieux et sales [...]. Sans parler que parmi ces maudits beaucoup étaient des pacifistes ». Ou encore, de façon plus plaisante, en 1937 dans « Chêne et chien » : « Ma mère m’emmenait quelquefois à Sainte-Adresse dans une voiture à cheval. On buvait du cidre, on mangeait d’la crevette dans un restaurant près des phares ».

Son baccalauréat obtenu, Raymond QUENEAU quitte Le Havre pour Paris, où il va étudier la philosophie, à la Sorbonne et à l’École Pratique des Hautes-Études. À cette époque, il fréquente le groupe des surréalistes auquel il adhère en 1924, rejoignant ainsi André BRETON, Jacques PRÉVERT, Yves TANGUY et Marcel DUHAMEL, avec qui il forme le groupe de la rue du Château… Puis, de 1925 à 1927, c’est le service militaire dans les zouaves, en Algérie et au Maroc, en pleine guerre du Rif, d’où il reviendra avec de bonnes notions d’arabe.

De retour en France, Raymond QUENEAU épouse, en 1928, Janine KAHN, belle-sœur d’André BRETON. Elle lui donnera, en 1934, leur unique enfant, Jean-Marie. Mais, en 1929-1930, Raymond QUENEAU va progressivement se détacher du surréalisme dont les considérations ne lui permettent pas d’approfondir son art de l’écriture. Il se fâche dès 1929 avec André BRETON, puis avec le reste du groupe qui va l’exclure.

En 1933, sort son premier roman, « Le chiendent », dans un style et un langage novateurs, récompensé par le premier prix des Deux Magots. Sa carrière est lancée et il publie successivement « Gueule de pierre », « Les derniers jours » et « Odile ». En 1937, c’est au tour de « Chêne et chien », un « roman en vers » autobiographique. Il retravaille son « Encyclopédie des sciences inexactes » consacrée aux « fous littéraires », non encore éditée, pour en faire un roman, « Les enfants du limon », qu’il parvient cette fois à faire publier en 1938. Il devient un personnage important des milieux littéraires parisiens, et les Éditions Gallimard lui proposent en 1938 une place de traducteur d’anglais, de correcteur et de membre du comité de lecture. En 1939, il publie « Un rude hiver ». Il n’a cependant pas oublié une de ses premières passions et va participer à cette époque aux « Éléments de mathématiques » de Nicolas BOURBAKI.

En 1939, Raymond QUENEAU est mobilisé en Vendée, puis se réfugie en 1940 avec sa famille dans le Limousin, chez son ami, le peintre naïf Élie LASCAUX. Mais il se rend très régulièrement à Paris pour son travail. En 1941, il devient secrétaire général de Gallimard. En 1942 paraît son premier succès auprès de la critique : « Pierrot, mon ami ». Il va également s’essayer au journalisme puis, vers 1945, à la radio. C’est un écrivain intarissable !

En 1946, alors même qu’est publiée sa traduction du roman « Peter Ibbetson » du romancier britannique George DU MAURIER (le grand-père de Daphne DU MAURIER), il commence à fréquenter les cafés littéraires de Saint-Germain-des-Prés, et y fait la connaissance de Boris VIAN avec qui il va partager une profonde amitié. Il y rencontre aussi Jean-Paul SARTRE, qui incite Joseph KOSMA à écrire une musique sur un de ses poèmes : « Si tu t’imagines ». Juliette GRÉCO en fera un succès. Les Frères Jacques chanteront d’autres mises en musique de textes de QUENEAU. En 1947, il publie « Exercices de style » qui sera son premier succès auprès du grand public : il y met en scène avec humour une histoire qu’il raconte 99 fois, à chaque fois dans un style différent ; Yves ROBERT en adaptera quelques versions au théâtre.

Il intègre le 11 février 1950, comme satrape, le Collège de ‘Pataphysique, formé en hommage à Alfred JARRY, où il fréquente Marcel DUCHAMP, Joan MIRÓ, Eugène IONESCO, Jean DUBUFFET et Boris VIAN.

Le 12 mars 1951, il est élu à l’Académie Goncourt, qu’il quittera en 1970.

Tout en continuant à publier romans, poèmes et ouvrages scientifiques, Raymond QUENEAU devient, en 1954, directeur de l’Encyclopédie de la Pléiade aux Éditions Gallimard. C’est en 1959 que paraîtra son œuvre la plus connue, « Zazie dans le métro » (dont le premier mot est le célèbre « Doukipudonktan »), celle qui va faire de lui un auteur populaire et qui donnera lieu a une adaptation au cinéma par Louis MALLE, au théâtre par Olivier HUSSENOT, et même en bande dessinée par Jacques CARELMAN. Ce roman lui vaut le prix de l’Humour noir.

Toujours désireux de poursuivre ses recherches sur le langage, Raymond QUENEAU va fonder, avec François LE LIONNAIS, en 1960, le groupe « Oulipo » (ouvroir de littérature potentielle), qui regroupe une dizaine d’écrivains, de mathématiciens et de peintres, dans le cadre duquel il continuera à écrire des articles de mathématiques, notamment des recherches sur l’optimisation combinatoire. Sa production littéraire ne s’en trouve aucunement altérée.

Dans ces années de l’après-guerre, il ne fréquente plus que rarement Le Havre, dans lequel il ne se reconnaît plus (il avait toutefois dans ses écrits parlé du centre ancien du Havre d’avant-guerre comme d’une « pouillerie ») et n’y fait que de courts séjours chez son ami Armand SALACROU, lui même ancien élève et membre de notre Association. Il y reviendra officiellement le samedi 3 février 1970 pour inaugurer une exposition lui étant consacrée à la bibliothèque municipale, rue Jules Lecesne (actuel site Salacrou), organisée par la bibliothécaire de l’époque, Madame TARDIF, en présence d’Armand SALACROU et d’autres membres de l’Association.

Couverture de « Raymond Queneau » de Michel Lécureur
Éditeur : Les Belles Lettres/Archambaud
Prix littéraire LÉVAREY-LEVESQUE décerné par notre Association en 2002
Collection Association


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 09/03/2022