Jean, Léon POUILLON
2/12/1916 Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) – 8/04/2002 Le Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne)
Élève lycée de garçons (1931-1934)
Philosophe
Secrétaire des débats à l’Assemblée nationale
Anthropologue-Ethnologue

Jean Pouillon naît en région parisienne. Quelques semaines avant ses quinze ans, il entre au lycée du Havre, le 1er octobre 1931, en 2nde A. Il suivait précédemment les cours du collège de Cusset, une petite ville de l’Allier proche de Vichy. Il est noté que son père est directeur des « Tréfileries et Laminoirs du Havre », et la famille habite 73 boulevard Sadi-Carnot (notre boulevard Jules-Durand), dans une maison toujours existante, à l’angle de la rue Charles-Porta, juste en face de l’ancienne usine. Le jeune Jean est externe libre, est noté catholique, apprend l’Anglais et peut-être aussi l’Allemand, puisqu’il est écrit sur sa fiche-élève « trouver quelqu’un pour Allemand en plus ». Cette fiche nous apprend également qu’il a deux sœurs au lycée de jeunes filles. Une autre fiche de notre lycée nous révèle aussi qu’il a un plus jeune frère, prénommé Pierre, né en 1927 à Crespin (Nord, à la frontière belge, non loin de Valenciennes), entré en 1932 en classe enfantine, et qui suivra les cours du lycée jusqu’à l’année scolaire 1939-1940, en 4ème A, année interrompue le 5 juin 1940 où il est indiqué qu’il part pour Angers (en exode?), puis il est noté partant le 19 octobre 1940 à destination du lycée Louis-le-Grand à Paris.
Jean Pouillon se lie d’amitié, au lycée du Havre, avec Jacques-Laurent BOST. C’est l’époque de l’arrivée de Jean-Paul SARTRE dans nos murs et, tout au long de l’année 1932-1933, Jean Pouillon et Jacques-Laurent Bost se réjouissent de faire leur Terminale « philo » l’année suivante sous la houlette de celui qui commence à acquérir une certaine célébrité. Ils ne seront pas exaucés : Jean-Paul Sartre est nommé à Berlin et c’est Raymond ARON qui sera leur professeur de philosophie. Jean Pouillon est reçu au baccalauréat en 1934. Jacques-Laurent Bost, quant à lui, redouble et suivra les cours de Jean-Paul Sartre revenu d’Allemagne.
Jean Pouillon entame alors à Paris des études de Philosophie et obtiendra, en 1938, un diplôme d’Études supérieures. C’est, semble-t-il, en 1936, qu’il fait la connaissance, peut-être par l’entremise de son ami Jacques-Laurent Bost, de Jean-Paul Sartre avec qui il restera lié jusqu’à la mort de celui-ci.
En 1939, Jean Pouillon est mobilisé dans l’artillerie hippomobile. Il est frappé de plein fouet par la débâcle de 1940 et son unité va se replier, en deux semaines, de Montdidier (Somme) à Angoulême (Charente). Par la suite, il décide de rester en zone occupée, enseigne la Philosophie à Sens (Yonne), Beauvais (Oise), Nancy (Meurthe-et-Moselle) en 1943-1944, puis à Paris, au lycée Charlemagne, en 1945-1946. Pendant la guerre, il entretient quelques rapports avec la Résistance, son rôle se bornant apparemment à transporter des tracts. Mais c’est aussi pendant cette période qu’il va prendre l’habitude d’effectuer, à Paris, de longues promenades avec Jean-Paul Sartre agrémentées de sérieuses discussions philosophiques. C’est Jean Pouillon qui figure, en « profil perdu », sur la célèbre photographie du maître de l’existentialisme prise par le photographe Henri CARTIER-BRESSON.

À une date mal précisée, Jean Pouillon a été collé au concours d’agrégation. Bien qu’ayant beaucoup apprécié son expérience d’enseignant, il décide d’abandonner cette voie. Dès 1945, il va participer au secrétariat de rédaction de la revue « Les Temps modernes » (revue politique fondée en octobre 1945 par Jean-Paul Sartre, Simone de BEAUVOIR et Maurice MERLEAU-PONTY, un Ancien Élève), pour laquelle il écrit des articles principalement littéraires, mais aussi sur le cinéma et le théâtre. Il y fera la connaissance du philosophe et psychanalyste Jean-Bertrand LEFÈVRE-PONTALIS, qui rejoindra Jacques-Laurent Bost dans le cercle de ses amis intimes.
En 1945 également, il se présente au concours de recrutement au poste de secrétaire des débats à l’Assemblée nationale, est reçu et fera carrière à partir de 1946 dans « ce métier d’imbécile qui demande de l’intelligence », qui lui laisse une certaine flexibilité dans l’emploi du temps et lui permet d’observer la politique de l’intérieur. C’est aussi en 1946 qu’il publie son premier livre, « Temps et roman », une « réflexion sur les rapports intimes de la matière du récit et la temporalité [qui] s'inscrit dans la descendance intellectuelle de l'existentialisme : la temporalité et l'imaginaire décrivent le domaine où la conscience s'ouvre à l'intersubjectivité » (sic, d’après l’éditeur Gallimard). On y remarque l’indépendance d’esprit de l’auteur, même vis-à-vis de Jean-Paul Sartre, un humour plutôt britannique, une écriture donnant à ses textes un tour vif et d’une grande clarté.
Durant les années 1950, la France s’enlise dans des conflits coloniaux. Dans « Les Temps modernes » d’août-septembre 1953, Jean Pouillon va livrer une brillante analyse de la position française, sous le titre « D’une politique de négation au néant d’une politique » et militer pour une négociation avec HÔ CHI MINH, qui suppose le retrait du corps expéditionnaire en Indochine. De même, il signera en 1960 le « Manifeste des 121 », s’opposant à la poursuite du conflit en Algérie. Ses positions se rapprochent alors de celles de nombreux anthropologues français ou étrangers.
En 1956, à la lecture des textes de Claude LÉVI-STRAUSS, Jean Pouillon décide d’« entrer en anthropologie » et en ethnologie. Il suit les conférences de Lévi-Strauss, qui a remarqué un article écrit dans « Les Temps modernes » sur son œuvre, à l’École pratique des Hautes Études et au Collège de France. En 1958, il entreprend ses premières études sur le terrain en se rendant, sur les conseils de Robert JAULIN, au Tchad. Il profite de ses congés au Parlement pour aller vivre dans la savane avec les Hadjaraï, un groupe ethnolinguistique. Il y retournera en 1963, puis en 1967, avant d’être obligé d’y renoncer en raison des conflits éclatant dans ce pays. Il y mène une enquête dans de nombreux villages où il se penche sur les pouvoirs politico-religieux, les traditions et les pratiques rituelles. Il séjournera ensuite en Éthiopie, en 1974-1975, où des bouleversements imposeront à tous les chercheurs de quitter ce pays. Les résultats des recherches de Jean Pouillon lui permettront de publier, dans diverses revues, des articles qui seront regroupés, avec d’autres, dans deux ouvrages : « Fétiches sans fétichisme » (1975) et « Le cru et le su » (1993).
Dès 1964, Jean Pouillon enseigne à l’EPRASS (Enseignement préparatoire à la recherche approfondie en Sciences sociales). En 1970, il entre au comité de rédaction de la « Nouvelle revue de Psychanalyse », dont le directeur, son ami, Jean-Bertrand Lefèvre-Pontalis, cherche un rédacteur qui ne soit pas psychanalyste. Il participe au « Temps de la réflexion », un ouvrage collectif dans lequel il écrit sur le sujet « Position du mythe »… Il écrit également pour « Le genre humain ». C’est toutefois la revue trimestrielle « L’Homme », dont il va être le secrétaire général, qui va lui permettre d’accroître ses informations et ses réflexions anthropologiques.
Atteint de la maladie d’Alzheimer, Jean Pouillon meurt à l’âge de 85 ans. Il repose à Paris, au cimetière du Montparnasse, à deux pas des sépultures de Jean-Paul Sartre et de Jacques-Laurent Bost.
Il était marié et père de trois enfants.
Sources :
- https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/04/13/jean-pouillon-passeur-de-jean-paul-sartre-et-de-claude-levi-strauss_4240015_1819218.html
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pouillon
- https://www.gallimard.fr/catalogue/temps-et-roman/9782070251827
- https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1997_num_37_143_370294
- https://journals.openedition.org/lhomme/14372
- https://www.babelio.com/auteur/Jean-Pouillon/46781
- https://shs.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2002-4-page-37?lang=fr
- Archives du lycée
Écrit par : Jean-Michel Cousin
Le 27/05/2025