René, Georges PERROCHON

15/09/1920 Le Havre – 23/12/1943 Villeurbanne-La Doua (69)

Élève lycée de garçons (1932-1939)

Résistant

Instituteur

Mort pour la France


René Perrochon est le fils d’un modeste employé de la Compagnie Générale Transatlantique, Marcel, Émile PERROCHON, qui a été prisonnier en Allemagne pendant quatre ans durant la première guerre mondiale, et d’une femme au foyer née Rosalie, Esther, Juliette BINAY. Il a une sœur, Annette. La famille vit dans le quartier de la Rampe, au 27 rue de l’Alma. Le jeune René pratique alors le scoutisme au sein des Éclaireurs de France, un mouvement laïque, qu’il va fréquenter en même temps que Roger DOCAIGNE. De la sixième à la Terminale, au terme de laquelle il obtient un bac « philosophie », il est scolarisé au lycée de la rue Ancelot en tant qu’externe libre et boursier, ayant apparemment déjà obtenu son Certificat d’études primaires. Il souhaite alors devenir instituteur.

Il est à cette époque qualifié de « très à gauche politiquement ». C’est un laïc convaincu, un sympathisant des républicains espagnols, adhérent aux Jeunesses socialistes… Dès 1939, il s’engage comme secouriste volontaire à la Défense passive. Il se fiance bientôt à Denise COQUIN, une jeune fille à la chevelure rousse flamboyante, qu’il a rencontrée au tout début de la guerre à la Bibliothèque municipale, alors dans l’enceinte de notre lycée, et qui a été séduite par ce garçon blond aux yeux bleus, amoureux de la nature, plein de curiosité et de désir d’apprendre. Cette élève du lycée de jeunes filles est orpheline de père, et sa mère tient, rue Thiers (notre avenue René-Coty), un commerce de bricolage à l’enseigne du « Petit Travailleur »… En juin 1940, la famille de Denise Coquin part en exode à La Rochelle, puis à Clermont-Ferrand où René Perrochon la rejoint bientôt. Puis tous deux reviennent au Havre où René occupe un poste d’instituteur, et où ils s’engagent bientôt dans la Résistance au sein du Groupe Morpain… Lors du coup de filet suivant l’arrestation de Gérard MORPAIN, René Perrochon n’est pas inquiété. Par contre, Denise Coquin, qui fabrique des faux papiers, est arrêtée, emprisonnée, jugée en même temps que ses camarades le 14 décembre 1941. Elle est acquittée, en même temps que Jacques HAMON, mais elle ne revient pas au Havre, préférant rejoindre en région parisienne les parents de René Perrochon qui y vivent à présent. Entre temps, à la rentrée 1941, René Perrochon a été nommé à Paris et en profite pour faire des études à la Sorbonne.

À la rentrée 1942, il obtient un poste de professeur de français au Collège technique du Havre. Il rejoint bientôt l’Heure H, dirigée par Roger MAYER, où il retrouve quelques anciens du Groupe Morpain. En 1943, alors qu’il devrait être envoyé au STO (Service du travail obligatoire) en Allemagne et qu’il est recherché par la Gestapo, il quitte Le Havre avec un ami, Jean NOYÉ, lui-aussi menacé de STO, et son grand ami Roger DOCAIGNE. Les trois amis partent vers le sud en juin 1943, pour atteindre Nice et, de là, l’Afrique du nord et les Forces françaises libres. Ils y échoueront, de même qu’ils échoueront dans une tentative de gagner l’Angleterre.

Le 11 août 1943, tous trois rejoignent le maquis de Tréminis (Isère, à l’est-sud-est du Vercors), appartenant au groupe de Résistance de Jean PRÉVOST (fils d’un directeur d’école de Montivilliers). Dès septembre, René Perrochon en est nommé intendant : il gère le ravitaillement du camp en nourriture et matériel et accueille les nouvelles recrues. Il fournit également des faux papiers à certains de ses compagnons. Mais un maquisard trahit ses camarades et l’armée allemande attaque le maquis le 19 octobre 1943. Dans ses fonctions d’intendant, René Perrochon est en train de cuire du pain dans un four mis à la disposition des maquisards par une habitante, au lieu-dit Château-Bas. Il est un des premiers à être fait prisonnier, est envoyé à la Gestapo de Grenoble où il est malmené, torturé et transféré au camp de Compiègne-Royallieu (Oise), un camp de transit avant la déportation. Toutefois, l’autorité allemande change d’avis et ramène les prisonniers de Tréminis à la prison de Montluc, à Lyon. Là, au tribunal militaire allemand, situé au Grand Hôtel, rue Grolée à Lyon (à moins que ce ne soit à Dijon, variable selon les sources), il est jugé et condamné à mort le 26 novembre 1943.

Le 23 décembre 1943, il est fusillé au stand de tir du camp militaire de la Doua, sur la commune de Villeurbanne. Il avait 23 ans. Son corps sera retrouvé après la guerre dans un charnier et identifié par son père et plusieurs habitants de Tréminis.

Une cérémonie sera célébrée à Lyon, le 30 septembre 1945, les 78 cercueils contenant les dépouilles des « fusillés de la Doua » étant alignés pour dessiner une croix de Lorraine.

Quelques temps avant l’exécution, René Perrochon écrira une lettre dont voici un extrait : « Mes chers parents, Denise chérie, je sais que cette lettre va vous causer une immense douleur et je veux seulement faire tous mes efforts pour l’atténuer. Je vais être fusillé dans une heure et mon seul sentiment est pour vous qui restez. Je vous ai écrit alors que je me leurrais d’un faux espoir que la meilleure place était la mienne. Maintenant plus que jamais c’est vrai. J’aurai eu le sort normal d’un garçon de mon âge et mon mérite a été de ne pas profiter des circonstances pour l’éviter. Ma mort sera utile, j’en suis persuadé, plus que ne l’aurait été ma vie que je vivais si légèrement. Utile à la Patrie et avant tout à vous. Vous m’avez sacrifié toute votre vie dès ma naissance, et toi Denise tes plus belles années... Je ne peux vous en marquer ma reconnaissance qu’en vous suppliant d’en tirer profit pour une vieillesse plus douce. Vous devrez être plus fiers que douloureux d’avoir donné votre fils pour le salut de la France. Denise qui a toute la vie devant toi, vie que je n’aurais pas su ou voulu embellir, il ne faut garder de moi qu’un souvenir très doux et surtout vivre. Quoique tu fasses, je te connais assez pour t’approuver aveuglément, tu n’as, comme Papa, Maman et Annette, qu’un devoir envers moi : être heureuse. Je ne veux pas que vous portiez le deuil. Je suis en ce moment d’un calme et d’une sérénité dont vous ne pouvez pas vous faire une idée. J’ai toujours été traité en soldat par des soldats. Je suis sans haine et sans crainte, et si je pouvais avoir l’assurance que vous respectiez ma dernière volonté : soyez heureux de ce que j’ai librement choisi, je serai sans tristesse... Une dernière pensée me serait douce : Denise n’a pratiquement plus de famille, vous plus de fils ; je voudrais que Denise trouve en vous une vraie famille et en Annette une sœur, et vous un enfant plus digne de vos sacrifices que je ne l’ai été. Aimez-vous et surtout ne me pleurez pas. Vous quatre vous devez être heureux, et c’est cette espérance qui me fait ne pas craindre la mort. Je veux vous savoir sans tristesse ».

René Perrochon a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) avec le grade de lieutenant. Une rue du Havre, proche du fort de Tourneville, porte son nom. Son nom est gravé sur le monument Résistance et Déportation du jardin de l’Hôtel-de-Ville, sur le monument aux Morts du Lycée François 1er et sur une plaque commémorative dans le fort de Tourneville.

Décorations :

  • Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume
  • Médaille de la Résistance française à titre posthume

Quant aux amis et proches de René Perrochon :

Jean Noyé, après l’attaque du maquis de Tréminis, rejoindra le proche maquis de Malleval-en-Vercors, toujours dans l’Isère, puis continuera ses activités de Résistance à Paris avant de finir la guerre dans un groupe franc de la Vienne.

Pour Roger DOCAIGNE, voir l’article le concernant, qui raconte également l’avenir de Denise Coquin, devenue après la guerre Mme Docaigne.

Sources :


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 16/09/2023