Philippe DECHARTRE

de naissance Jean, Léon, Émile DUPRAT-GENEAU

16/02/1919 Truong Thi (Indochine française) – 7/04/2014 Paris XVème

Élève lycée de garçons (1930-1937)

Membre à vie de l’association (1937-2014)

Résistant – Homme politique


Jean Duprat-Geneau naît en Indochine française (territoire de l’actuel Viêt Nam) où son père est inspecteur général des chemins de fer. Il effectue par la suite une partie de sa scolarité dans notre lycée. On sait également qu’il passera par le lycée Louis-le-Grand à Paris, et qu’il obtiendra une licence à la Faculté de Droit de Paris.

Mobilisé, il est fait prisonnier en 1940. Sans doute évadé, il s’investit dans les réseaux clandestins, période où il adopte son pseudonyme de Philippe Dechartre. En 1943, il devient chef de la zone nord du mouvement de Résistance des prisonniers de guerre et déportés. Le 28 mai, lors d’un rendez-vous fixé sur un quai de gare à Lyon, il va croiser la trajectoire d’un certain MORLAND, en fait François MITTERRAND passé à la Résistance après une période vichyste. Cette rencontre scellera entre eux une relation durable, même si les deux hommes ne seront jamais des proches…

En 1944, Philippe Dechartre est à Alger où il est nommé délégué général des prisonniers de guerre, déportés de la Résistance et déportés du travail auprès du gouvernement provisoire de la République française par le général DE GAULLE. C’est là que Philippe Dechartre situait le début de son engagement politique, lorsque De Gaulle lui aurait dit : « Vous appartenez à la gauche humaniste et moi je veux le rassemblement des Français. J’ai besoin de vous. Formez un noyau de militants et je vous aiderai ».

En 1945, dans une France libérée, il est membre de l’Assemblée consultative provisoire qui rassemble les représentants de tous les mouvements de Résistance. Il est également secrétaire général de l’entraide pour les prisonniers de guerre et déportés rapatriés.

En 1946, il débute une carrière dans la culture et l’audiovisuel. Il produit et réalise des émissions, met en scène des spectacles de son et lumière… En 1952, il est directeur des « Chorégies d’Orange », puis du festival du théâtre antique d’Arles. Cette carrière le mènera en 1965 au comité des programmes radiophoniques de l’ORTF (« Office de Radiodiffusion Télévision Française ») et, jusqu’en 1969, au poste de directeur général de l’« Office de coopération radiophonique » (OCORA). Il est également expert à l’UNESCO (« Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ») et membre de nombreuses associations en lien avec la coopération.

Mais il mène en parallèle une seconde carrière, et celle-ci est politique. Franc-maçon (membre du Grand-Orient de France), membre du Parti radical, un temps proche de Pierre MENDÈS-FRANCE, il brigue vainement deux fois, en 1956 et 1958 à la faveur d’élections partielles, un poste de député dans le département de la Seine. Il décide alors de rejoindre les « Gaullistes de gauche », et notamment l’UDT (« Union démocratique du Travail ») fondée en 1959 par Louis VALLON et René CAPITANT. Ce courant, assez morcelé, ne parviendra jamais à dépasser le statut de force d’appoint malgré la présence de quelques personnalités de qualité et la défense d’idées comme la participation des salariés à la gestion et aux bénéfices des entreprises.

En 1966, Philippe Dechartre est secrétaire général de l’« Union de la gauche-Vème République », formation appartenant à la majorité présidentielle. Ce réformiste convaincu va cependant être pris à revers par les événements de mai 1968. On lui reprochera notamment d’avoir demandé, à la radio, aux étudiants de ne pas « gâcher leur cause » en s’abandonnant au « romantisme » et conjuré les ouvriers de ne pas politiser leur grève… Il apporte en effet son plein soutien au premier ministre Georges POMPIDOU, alors que d’autres « Gaullistes de gauche », tels René Capitant et Edgard PISANI, prennent leurs distances… Cette fidélité sera récompensée dès la fin des événements, le 31 mai : Philippe Dechartre est nommé secrétaire d’État à l’Équipement et au Logement. Le 30 juin 1968, il est élu député de la Charente-Maritime, mais c’est son suppléant qui siégera puisqu’il va conserver le même poste ministériel, cette fois dans le gouvernement de Maurice COUVE DE MURVILLE, jusqu’en juin 1969.

Après la démission de Charles de Gaulle de la présidence de la République, l’élection de Georges Pompidou et la nomination de Jacques CHABAN-DELMAS comme premier ministre, Philippe Dechartre est nommé secrétaire d’État auprès du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Population, poste qu’il occupera jusqu’à sa démission, le 15 mai 1972 suite à une affaire judiciaire.

Président du Comité pour l’aménagement et le développement de l’île de Ré, Philippe Dechartre est en effet accusé par un promoteur d’avoir bloqué illégalement un projet immobilier. Il est d’abord innocenté en première instance en 1971, puis est reconnu coupable de fautes en appel en 1972. Il présente donc sa démission au premier ministre qui commence par la refuser, arguant que cette décision de justice n’entache pas l’honneur de Dechartre, puis finit par l’accepter, apparemment sous la pression de certains députés giscardiens…

Philippe Dechartre va ensuite animer le MSP (« Mouvement pour une société de participation »), qui est associé au RPR (« Rassemblement pour la République ») de Jacques CHIRAC dont il va devenir, en 1978, secrétaire général adjoint chargé de la participation. Aux élections présidentielles de 1981, après l’élimination de Chirac au premier tour, comme la grande majorité des « Gaullistes de gauche » qui ne souhaitent pas la réélection de Valéry GISCARD D’ESTAING, Philippe Dechartre va apporter publiquement son soutien à François Mitterrand, diffusant de plus, avec l’accord de Jacques Chirac, une lettre dans ce sens à tous les adhérents du RPR…

François Mitterrand devenu président de la République, Philippe Dechartre va refuser les postes ministériels qui lui seront proposés. Il restera jusqu’en juin 2000 membre des instances dirigeantes du RPR. Mais, dès 1994, il aura entamé la dernière étape de son parcours d’homme public : sur proposition du premier ministre, Édouard BALLADUR, il est nommé membre du Conseil économique et social dont il deviendra le doyen d’âge en 1999, jusqu’à sa démission en septembre 2010, à l’âge de 91 ans…

Entre temps, il a fondé et présidé, entre 2001 et 2005, le « Club Nouveau Siècle », associé à l’UMP (« Union pour un mouvement populaire »), essayant toujours de rester fidèle à l’idéal de ses jeunes années : « Une société doit donner à chacun sa part de justice, de bien-être et de bonheur ».

Philippe Dechartre était membre de notre association, appartenant, comme par exemple Robert CHANDEAU et Joseph STOLKOWSKI, au « groupe parisien ». Il avait été l’invité d’honneur de notre Assemblée générale du 29 janvier 1972 et du repas de 120 convives qui l’avait suivie, au Centre Culturel de Sainte-Adresse, devenu Espace Sarah-Bernhardt. Il appartenait au Gouvernement pour encore quelques mois et, bien qu’il se fût agi d’une réunion amicale, les fastes de la République l’accompagnaient : DS noire, motards… Après le repas, il avait évoqué ses années au lycée, notamment l’inspection de Jean-Paul SARTRE par l’inspecteur MAIGROT. Il nous avait rappelé qu’il existait alors au lycée une statue de Napoléon, mais qu’il n’existait pas encore de sonnerie, le rôle étant tenu par un tambour nommé TAPIN. Il s’était montré bon élève : Prix d’Excellence, 1er prix de dissertation française, 1er prix d’histoire-géographie… De nombreux membres du « groupe parisien » avaient fait le déplacement.

Il meurt à l’âge de 95 ans, à l’Hôpital Georges-Pompidou, à Paris. Il était :

  • Grand-Croix de la Légion d’honneur
  • Grand-Croix de l'Ordre national du Mérite
  • Médaille de la Résistance française, avec rosette
  • Commandeur de l'Ordre des Palmes académiques

Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 22/07/2022