Abel MIROGLIO

dit « Miro »

Cherbourg 7/02/1895 – Le Havre 23/06/1978

Professeur de philosophie lycée de garçons (1936 – 1955)


À l’automne 1940

Abel Miroglio est le dernier des cinq enfants d’une vieille famille genevoise d’origine italienne. Citoyen français et suisse, descendant des comtes de MIROGLIO DE MONCESTO (comtes du Saint-Empire Romain Germanique), il est le fils d’un officier d’administration et est élevé dans la religion protestante. Il semble qu’il ait suivi tout ou partie de sa scolarité à Cherbourg, et on le retrouve ensuite à Lyon où il suit des classes préparatoires littéraires, qui lui permettront d’intégrer l’École Normale Supérieure, mais seulement en 1919 car il a entre-temps été mobilisé.

Il se dirige ensuite vers le lycée de Metz et c’est alors, semble-t-il, que, en 1927, il obtient l’agrégation de philosophie, après avoir longtemps hésité à tenter plutôt l’agrégation d’allemand. Dès cette même année, très inspiré par Henri BERGSON, dont il sera l’ami, ainsi que par la sociologie, déjà membre de la Fédération des associations chrétiennes d’étudiants, il est le co-fondateur du plus ancien des mouvements œcuméniques français, « L’Amitié », dont il sera longtemps l’inspirateur avec le philosophe catholique Charles DEVIVAISE et l’écrivain protestant Louis JOUBERT. Il s’agit d’un mouvement laïc dont les membres se recrutent principalement chez les enseignants, et Abel Miroglio veillera au respect des règles disciplinaires de chaque Église, aucun prosélytisme n’étant toléré…

En 1928, Abel Miroglio dirige l’École internationale de Genève et enseigne à la faculté des Lettres de Nancy.

En 1931, il est nommé au lycée de Bordeaux, puis est muté à la rentrée 1936 au lycée de garçons du Havre, où il remplace Jean-Paul SARTRE, parti à Laon. Il porte alors un grand intérêt aux « identités urbaines » ainsi qu’à la « géographie psychologique » (il était titulaire d’une licence de géographie), grâce à son ami Georges HARDY. Il y avait un deuxième poste libre au Havre, et il est attribué à Madame Miroglio, elle aussi agrégée de philosophie.

Mais, « Miro », ainsi que le surnommaient ses élèves, outre l’allemand, avait, à l’École Normale Supérieure, étudié les langues orientales, lui donnant une bonne connaissance de la culture de la Russie et des pays de l’Est, et il s’était intéressé à la Völkerpsychologie de Wilhelm WUNDT, initiateur de la psychologie expérimentale et auteur d’un monumental ouvrage en 10 tomes sur cette « Psychologie des peuples ». Abel Miroglio va pouvoir alors lancer, dès 1937, un grand projet, la création de l’« Institut havrais de Sociologie économique et de Psychologie des peuples », en vue d’un développement universitaire dans la principale ville ouverte et cosmopolite de la Haute-Normandie… Il s’agit alors d’une association privée aux multiples appuis (Mairie, Chambre de Commerce, Port Autonome, Rectorat, entrepreneurs locaux, négociants ou « coloniaux », élus) à laquelle une trentaine d’universités apportent immédiatement leur caution, ainsi d’ailleurs que le sociologue, historien et géographe André SIEGFRIED, fils de Jules SIEGFRIED, qui va réellement lancer l’Institut en 1938 et en accepter la présidence d’Honneur. La première ambition d’Abel Miroglio semble avoir été d’accumuler une documentation sur l’Afrique en profitant de la position très favorable de la France dans ce continent. Dans un document de travail soumis aux parlementaires locaux et offert au sous-préfet le 20 juillet 1937, Miroglio écrivait : « Dans une ville qui possède une Bourse d’une exceptionnelle importance et où se traitent des affaires considérables, la sociologie économique est une science qui doit être tout naturellement élue. Si elle est traitée à la française, avec un souci de compréhension humaine, il apparaît qu’elle est difficilement dissociable d’une psychologie des peuples, science plus jeune encore, mais riche d’avenir ».

Le deuxième conflit mondial va faire entrer l’Institut dans un long sommeil, dont il va se réveiller en 1947 pour prendre un essor important sous l’impulsion d’Abel Miroglio, d’André VIGARIÉ, de François GAY et de Marcel AMPHOUX, à la faveur d’un contexte propice et précis : milieu du négoce, École pratique coloniale devenue ISTOM (« Institut supérieur pour les Territoires d’Outre-mer »), Société de Géographie économique. Des conférences et colloques, très suivis, vont se multiplier, ainsi qu’une activité de publications originales : La revue de Psychologie des peuples, Les cahiers de Sociologie économique. L’Institut s’efforcera, à partir de 1960, de prendre une structure plus « universitaire », œuvrant pour une ouverture intellectuelle de la cité marchande au contact des acteurs portuaires. L’association recevra à cette époque des subventions régulières du CNRS et transformera en 1958 ses statuts en « statuts universitaires » (Cahiers internationaux de Psychologie sociale, 2008). En 1960, elle deviendra « Centre de recherches et d’études de Psychologie des peuples et de Sociologie économique », toujours localisé au Havre mais rattaché à l’Université de Caen puis, en 1965, à la toute nouvelle Université de Rouen.

Par ailleurs, la Bibliothèque municipale, encore réfugiée au lycée de garçons, sert de cadre, dans une atmosphère amicale et feutrée, aux conférences du groupe « Recherches », fondé en 1949, et qui réunit des enseignants et des membres de la bourgeoisie havraise, ainsi que des cadres du port. Citons d’autres groupes sociaux coopérant à ces réflexions : « Citoyen 60 » et l’« U.C.J.G. »… Ces initiatives, conduites par Abel Miroglio pour préparer l’installation d’une université au Havre vont se briser sur le centralisme toujours croissant de l’époque.

Abel Miroglio publiera de nombreux articles pour des revues spécialisées et même pour la collection « Que sais-je ? ». Il publiera également « Psychologie des peuples », traduite en plusieurs langues et plusieurs fois rééditée. Mais sa grande œuvre, qu’il appelait son « transatlantique intellectuel », restera son « Dictionnaire des populations d’Europe » édité peu avant sa mort. Par ailleurs, son nom apparaîtra, au début des années 1990, dans le « Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine : les protestants », en tant que pionnier de l’œcuménisme.

Il meurt à l’âge de 83 ans, la même année que son épouse.

Il était :

  • Chevalier de la Légion d’honneur.

Année scolaire 1940 – 1941 – Photo de l’équipe de professeurs du Lycée


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 20/07/2022