Robert, René, Marie GUIADER

3/05/1920 Le Havre – 16/06/2000 Henvic (Finistère)

Élève lycée de garçons (1932-1940)

Résistant (alias Joseph Le Maistre, Jean Gardia)

Déporté


Photo : Délégation FFL Le Havre

Robert Guiader naît au Havre de parents d’origine bretonne. Il va être élève pendant 8 ans dans notre lycée, le temps d’une scolarité secondaire normale (de la sixième à la « math élem » à l’issue de laquelle il obtiendra son baccalauréat), puis d’une année dans la classe de navigation qui existait alors au lycée.

Le jour de ses 20 ans, le 3 mai 1940, il est appelé sous les drapeaux pour effectuer son service militaire. Le 22 mai, il gagne le dépôt de Cherbourg (Manche), puis est évacué sur Lorient (Morbihan) par le paquebot « Versailles » (qui assure habituellement la traversée Dieppe – Newhaven) devant l’avancée allemande. Le 21 juin, veille de l’armistice, il est fait prisonnier par les troupes allemandes. Il est alors envoyé à Pont-Scorff, puis Hennebont, toujours dans le Morbihan, avant d’être ramené à Lorient où il est gardé dans un lycée. Il est ensuite victime d’une crise d’appendicite, et sera opéré à l’hôpital Bodélio de Lorient pendant un bombardement.

Le 13 janvier 1941, Robert Guiader est envoyé au stalag XIII A, près de Nuremberg (Bavière, en Allemagne). Là, il va refuser de travailler, et son obstination va conduire à son transfert dans un « Arbeitskommando », un camp de travail forcé sous surveillance spéciale. Il va se blesser volontairement et réussir à se faire rapatrier avec la complicité d’un jeune médecin bordelais et d’un médecin autrichien. Après un passage par le stalag XII A, à Limbourg-sur-la-Lahn (Hesse), il est rapatrié sanitaire le 11 juin 1941, d’abord à Sathonay (Ain), puis à Toulon (Var), et enfin au centre d’accueil de Sciez (Haute-Savoie), proche du lac Léman, où il va rester un mois. Il va tout faire alors pour se faire reconnaître « apte au service à la mer ».

Robert Guiader souhaite ardemment rejoindre les Forces françaises libres. Il prend contact avec une organisation qui propose de le faire passer en Espagne. Mais cette tentative échoue. Le 27 juillet 1941, il retourne à Toulon et embarque à bord du pétrolier-ravitailleur d’escadre « Tarn », appartenant à la Marine de Vichy : il est toujours légalement sous les drapeaux. Le 6 novembre, le navire est torpillé près du cap Matifou, à 12 milles au large des côtes algériennes, mais réussit à gagner Alger. Robert Guiader va rester en Afrique du nord le temps des réparations de son navire.

En août 1942, le quartier-maître Guiader retrouve son bâtiment à Bizerte (Tunisie). Il est démobilisable le 22 novembre, mais les Alliés débarquent en Afrique du nord le 8 novembre (« Operation Torch »), ce qui l’empêche de rentrer chez lui. Le 2 décembre 1942, accompagné d’autres marins armés, il réussit à traverser l’arsenal de Bizerte, la lagune de cette même ville et les lignes allemandes. Mais, au matin du 3 décembre, la petite troupe est mitraillée par six chasseurs de la Luftwaffe. Elle se réfugie dans une ferme, où elle va résister un moment à l’armée allemande qui la cerne avant de se rendre. Les prisonniers sont emmenés à Sidi Abdallah pour y comparaître devant un tribunal. Robert Guiader est condamné à être fusillé ou déporté mais, suite à une intervention de l’État-major français, il est remis aux autorités de ce pays et mis dans une cellule à Ferryville (Tunisie, aujourd’hui Menzel Bourguiba) où il va rester dix jours, avant d’être libéré et rapatrié vers Toulon par un torpilleur italien, via la Sicile et l’Italie. Arrivé dans le Var, il est placé en congé illimité et rejoint sa famille à Henvic (Finistère), rue du Croas Men.

Mais Robert Guiader n’a pas abandonné son désir de rejoindre la France libre. Il entre alors en contact avec la « filière Sibiril ». Il s’agit d’un réseau d’évasion organisé à Carantec (Finistère), dans la baie de Morlaix, à moins de cinq kilomètres d’Henvic, autour de la famille et du chantier naval SIBIRIL. Cette filière fonctionne au sein du réseau Alliance chargé de regrouper et de cacher les agents alliés et une partie des aviateurs abattus au-dessus de la France et de la Belgique. Les candidats au départ sont ensuite convoyés jusqu’en Bretagne, à nouveau cachés, parfois dans la maison des Sibiril, puis embarqués discrètement en pleine nuit. Son presque homonyme d’origine havraise Jacques GUYADER recourra à ses services deux mois plus tard. Le 6 mars 1943, Robert Guiader embarque sur un cotre de sept mètres, baptisé « S’ils te mordent, mords-les » qui atteint Plymouth après une traversée difficile par mer forte. Il est alors emmené à Londres, à « Patriotic school ». Il s’agit d’un ancien collège de jeunes filles où, pendant toute la durée de cette guerre, le MI-5 (service de contre-espionnage britannique) interroge toutes les personnes arrivées au Royaume-Uni et les détient pendant le temps nécessaire à la vérification qu'elles ne présentent aucun risque pour la sécurité intérieure du pays. Au terme de cette épreuve, Robert Guiader est autorisé à souscrire un contrat d’engagement dans les FNFL, avec le grade de quartier-maître et sous le pseudonyme de Joseph LE MAISTRE. Bientôt, il rejoint le BCRA (« Bureau central de renseignements et d'action »), le service de renseignement et d'actions clandestines de la France libre, dirigé par André DEWAVRIN, dit colonel PASSY. Dès le 9 avril 1943, il est invité, de 21 heures 30 à 22 heures, à s’exprimer à la BBC sur les antennes de Radio-Londres.

Il va suivre maintenant des cours de transmission, de sécurité, ainsi qu’un entraînement parachutiste à Ringway, tout près de Manchester. Il va être chargé d’une mission spéciale en France. Le 6 février 1944, un « Westland Lysander », avion léger conçu pour pouvoir évoluer sur des terrains de fortune très courts, le dépose dans la région de Nangis (Seine-et-Marne, entre Melun et Provins). Il doit participer, sous le pseudonyme de Jean GARDIA et en tant qu’agent P2 (clandestin) aux actions du réseau Émeraude, mais aussi en tant qu’agent P1 (régulier non clandestin) à celles du réseau Centurie. Il va surveiller les mouvements des ports, les gares, et recueillir des aviateurs alliés. Les services anglais de renseignements lui demandent de leur fournir des informations sur les moyens de franchir le mur de l’Atlantique. Les membres du réseau Centurie parviendront à rassembler plus de 3 000 documents sur ce mur.

Le 8 juillet 1944, Robert Guiader est arrêté par la Gestapo française, à Paris, dans la station de métro « Denfert-Rochereau ». Il est interrogé au siège de celle-ci, 84 avenue Foch, dans le 16ème arrondissement, puis incarcéré à la prison de Fresnes. Le 15 août, il monte à Pantin dans un train de marchandises, qui va l’amener au camp de concentration de Buchenwald (hêtraie), près de Weimar, en Thuringe. Il est bientôt transféré au camp annexe de Schönebeck, sur l’Elbe, au sud de Magdebourg (Saxe). Là se trouve le « kommando Julius » qui travaille pour la firme aéronautique « Junkers » à fabriquer des pièces et des moteurs d’avions, et où se trouvent, en janvier 1945, pas moins de 1 200 détenus.

Le 11 avril 1945, les Allemands évacuent le camp, devant l’arrivée imminente d’unités américaines, et les prisonniers partent à pied sur les routes. Robert Guiader attendra le 4 mai avant d’être libéré, puis rapatrié le 24 mai 1945. De retour à Henvic, il entame une nouvelle existence de marin dans la Marine marchande. Marié avec Violette, qui lui donnera cinq enfants, il vivra le reste de sa vie en toute discrétion, tout en restant fidèle aux cérémonies patriotiques. Pendant 25 ans, il assurera la présidence des Anciens combattants de Henvic.

Il meurt à l’âge de 80 ans.

Robert Guiader a été homologué FFC (Forces françaises combattantes), FFL (Forces françaises libres) et DIR (Déportés, internés de la Résistance).

Une rue de la commune de Henvic porte son nom depuis le 8 mai 2015.

Décorations :

  • Légion d’honneur, élevé au grade d’officier par décret du 30 octobre 1965
  • Croix de guerre 1939-1945 avec palmes
  • Médaille des évadés
  • Croix du Combattant volontaire de la Résistance
  • Médaille commémorative des services volontaires de la France libre

Sources :


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 18/02/2024