Roger FÉAT

22/10/1922 Le Havre – 27/03/1975 Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes)

Élève lycée de garçons (1932-1940)

Membre des FNFL

Administrateur de sociétés


Source : Service historique de la Défense

Roger Féat naît au Havre, où sa famille vit au 89 rue des Sauveteurs, dans le quartier du Perrey. Son père est navigateur. Il commence sa scolarité primaire à l’école Flaubert avant d’intégrer, à la rentrée 1932, notre lycée en classe de 7ème (CM2). Il va y rester jusqu’en 1940, en classe de « philosophie » ; obtiendra-t-il son baccalauréat pour envisager les études de Droit que souhaitait son père, comme il est parfois affirmé ? On peut en douter puisqu’on le retrouve de façon précoce, dès le 18 juin 1940, à Plougasnou (Finistère), d’où il va s’évader de France avec trois autres Havrais à bord d’un bateau nommé « L’oiseau de la tempête »… L’embarcation parvient jusqu’à Fowey, dans les Cornouailles.

Dès le 1er juillet 1940, Roger Féat rejoint la France libre. Il est encore à plus de trois mois de son 18ème anniversaire et est admis à suivre les cours de l’École navale sur le cuirassé « Courbet ». Il s’agit d’un navire mis en service en 1913, ayant participé au premier conflit mondial, principalement en Méditerranée, modernisé dans l’entre-deux guerre et devenu navire d’entraînement. Roger Féat va y rester jusqu’en février 1941. Mais, grâce à sa bonne connaissance de la langue anglaise complétée par un stage à la Harrow School (une célèbre « public school » anglaise), il est rapidement utilisé comme interprète et, sur les conseils de ses chefs, il va bientôt quitter l’École navale pour intégrer l’école des ORIC (officiers de réserve interprètes et du Chiffre), ce d’autant qu’il a de sa propre autorité entamé des études personnelles de chiffre et de chiffrement.

Il part donc à Skegness (Lincolnshire, à l’est de l’Angleterre) et devient, le 1er avril 1941, maître aspirant officier interprète et du chiffre, ce qui lui vaut d’être affecté à l’État-major de Londres dont le chef, le capitaine de vaisseau Raymond MOULLEC, dit MORET, souhaite créer un service du Chiffre dans les Forces navales françaises libres. Celui-ci sera mis en place en août 1941 par Roger Féat, après un stage au Quartier général de la France libre à Carlton Gardens, et un autre officier. Le 15 janvier 1942, Roger Féat est nommé OIC de troisième classe.

Mais les choses vont se compliquer. À cette époque, les FNFL sont commandées par l’amiral Émile MUSELIER, commissaire de la Marine. Il a été le premier officier général à rallier la France libre dès le 30 juin 1940. Mais il va petit à petit prendre ses distances avec le général de GAULLE auquel il reproche des « fautes » de tous ordres et son autoritarisme. En février 1942, après avoir mené le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, il démissionne de sa fonction de commissaire de la Marine. En mars, Roger Féat a connaissance, pour avoir assuré lui-même leur chiffrage, d’échanges de télégrammes entre l’amiral et Moret où est évoquée la création d’une Marine dissidente de celle de la France libre. Sa loyauté envers le général de Gaulle va contraindre Roger Féat à le tenir informé de la teneur de ces messages. Ceci va amener la mise à la retraite d’office de Muselier en mai 1942. Mais, le 22 mai, Roger Féat reçoit une sanction disciplinaire de 15 jours d’arrêt pour « faute grave dans l’exercice de son service d’officier du Chiffre » pour avoir manqué à son « devoir hiérarchique ». Il est désigné pour la Marine du Pacifique en Nouvelle-Calédonie mais ne semble pas avoir eu le temps de rejoindre cette affectation.

En effet, le contre-amiral Philippe AUBOYNEAU, successeur de Muselier, lui demande de reprendre, à Portsmouth, son poste au Chiffre des FNFL. Roger Féat accepte « sans grand enthousiasme du fait que certains membres de la dissidence étaient encore présents ». Le 1er juin 1943, il est versé à titre définitif au corps des officiers interprètes et du Chiffre comme ORIC de troisième classe.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais, dès le 27 juillet 1943, le chef de bureau Roger Féat reçoit une note qui l’informe que sa nomination au corps des officiers de réserve est annulée, et qu’il est incorporé dans les FNFL en tant que matelot de deuxième classe à compter du 1er juillet 1940, date de son engagement. Il reçoit cette décision comme une injustice et une humiliation. Il envoie à sa hiérarchie une lettre où il précise : « […] Je pense avoir prouvé, ne serait-ce que par la création du Chiffre, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir 25 ans pour être officier, ni pour diriger un service central du Chiffre comme je l’ai fait pendant plusieurs mois. […] C’est donc en application des textes qui me concernent que, comme matelot sans spécialité au retour en France, je me présenterai devant mon père après avoir, malgré ses avis, abandonné mes études pour venir en Angleterre continuer la lutte ». Dans ces conditions, il demande à être relevé de ses fonctions au Chiffre. Il va toutefois obtenir le soutien, en raison de son « aptitude exceptionnelle », de ses chefs qui conseillent de le replacer dans le camp des officiers du Chiffre et même de le faire monter au grade supérieur d’OIC de deuxième classe. Le 15 novembre 1943, le contre-amiral Georges Thierry d’ARGENLIEU, successeur du contre-amiral Auboyneau, apparemment saisi d’autres cas identiques, décide, si on veut éviter un malaise chez les meilleurs éléments des FNFL, qu’il est indispensable de cesser d’« ignorer complètement les sacrifices faits par des Français qui ont voulu continuer la lutte et les services qu’ils ont rendus. Services d’autant plus importants qu’ils sont venus combler les vides créés par d’autres Français probablement plus riches en diplômes qu’en dévouement à la Patrie ». Et il insiste sur le fait que c’est justement leur ralliement de la première heure à la France combattante qui les a empêchés de poursuivre leurs études et d’obtenir le « diplôme »

De juin 1944 à juillet 1945, Roger Féat sera détaché à la Sécurité militaire. Il sera démobilisé le 17 juillet 1945 avec le grade d’ORIC de deuxième classe et va devenir administrateur de sociétés.

Il meurt à l’âge de 52 ans.

Décorations :

  • Ordre national de la Légion d’Honneur, au grade de chevalier (1951)
  • Croix de guerre 1939-1945 avec une citation

Sources :


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 20/05/2024