Robert HERSANT
31/01/1920 Vertou (Loire-Inférieure) – 31/04/1996 Saint-Cloud (Hauts de Seine)
Élève lycée de garçons (1936-1937)
Éditeur de presse
Homme politique
Robert Hersant naît dans la banlieue sud-est de Nantes, maintenant en Loire-Atlantique. Il va étudier une petite année dans notre lycée à partir du 2 décembre 1936, en qualité de pensionnaire, le temps de suivre une classe de première, avec anglais et allemand comme langues vivantes. Ses parents sont domiciliés 5 rue Cuvier, à Paris Vème. La suite de son cursus semble se dérouler à Rouen. Là, il milite chez les « Jeunes socialistes », une formation dépendant de la SFIO (« Section française de l’Internationale ouvrière »), où il va se lier avec l’anarcho-syndicaliste cauchois Alexandre HÉBERT. Après la défaite de 1940, il monte de Rouen à Paris, à pied dit-on, pour tenter l’aventure politique.
Pendant la sombre période qui débute en 1940, Robert Hersant va s’engager dans une voie trouble qui va révéler son côté obscur. Il va fonder le « Jeune front », un groupuscule se réclamant du National-socialisme, rattaché au Parti français national-collectiviste (PFNC) du journaliste Pierre CLÉMENTI, un ancien radical-socialiste. « Jeune front » est en fait la section « jeunesse » des « Gardes françaises », la milice du PFNC. Dès août 1940, Robert Hersant obtient de l’Autorité allemande, pour son petit groupe, un local situé 28 avenue des Champs-Élysées, « Jeune front » étant chargé de distribuer le journal antisémite « Au pilori », subventionné par cette même Autorité, en même temps que ses membres se livrent à des violences contre les commerçants juifs proches de leur Quartier général. Le 25 août 1940, Hersant inaugure, en présence des principaux dirigeants du PFNC et de journalistes français et italiens, le centre de propagande du « Jeune front ». Il présente à cette occasion l’uniforme de sa « Garde spéciale » : chemise et culotte bleue, bottes jaunes, ceinturon avec baudrier, calot bleu marque GS en lettres dorées, brassard blanc sur fond rouge avec l’écusson national-collectiviste… Robert Hersant fonde également « Hiver 1940 », œuvre destinée à aider les familles pauvres du PFNC.
En septembre 1940, Pierre Clémenti décide de se séparer de Robert Hersant et de le remplacer par un certain Jean-Marie BALESTRE (qui sera bien plus tard fondateur et président de la « Fédération internationale du sport automobile »). Mais Hersant et Balestre vont s’allier pour tenter une scission, vont échouer dans cette initiative et être évincés par Clémenti.
En 1941, Robert Hersant effectue son stage de six mois dans les « Chantiers de la jeunesse française », stage qui a remplacé le service militaire obligatoire supprimé par les conventions d’armistice. Il rejoint ensuite les « Jeunes du Maréchal » avant de créer, avec son ami Jean-Marie Balestre, le centre de jeunesse « Maréchal Pétain » de Limeil-Brévannes (dans l’actuel département du Val-de-Marne). Il va créer, en mai 1942, le journal « Jeune force ».
En 1947, il est condamné à dix ans d’indignité nationale pour collaboration avec l’Allemagne nazie.
Il bénéficiera, en 1951, d’une amnistie générale.
Dès 1950, il fonde la revue « L’Auto-journal », avec Jean-Marie Balestre, au passé également très trouble (il a notamment intégré en avril 1943 la Waffen-SS, même s’il réussira par la suite à se faire admettre comme étant un résistant infiltré). Ce magazine bimensuel est à l’origine du groupe Hersant.
Relevé de son inéligibilité par l’amnistie de 1951, Robert Hersant va pouvoir entrer en politique. Il va parvenir, en 1956, lors des dernières élections parlementaires de la IVème République, à se faire élire député de l’Oise sur une liste radical-socialiste. Il le restera pendant six mandats consécutifs, jusqu’en 1978, effectuera même un septième mandat, entre 1986 et 1988, pendant la première cohabitation. Seule variera son orientation politique, puisqu’il sera successivement élu sous les couleurs du Parti radical-socialiste, du Rassemblement démocratique, de la FGDS (« Fédération de la gauche démocrate et socialiste »), de l’UDR (« Union des démocrates pour la République »), de l’Union centriste et de l’UDF (« Union pour la démocratie française »).
Ce parcours politique débute donc à gauche, et atteint une grande proximité avec les Socialistes. Ainsi, il va être sollicité par la puissante fédération du Nord-Pas-de-Calais et va racheter, en 1967, le journal « Nord-Matin », organe de la SFIO dans le bassin minier. Mais, en 1968, la FGDS va se rapprocher du PCF (« Parti communiste français ») et Robert Hersant, profondément anticommuniste, va demander à être radié du groupe FGDS de l’Assemblée nationale, pour finir par rompre avec la gauche au moment de la signature du « Programme commun de gouvernement » en 1972.
Dans les années 1970, il devient un soutien de la droite libérale et conservatrice. C’est en 1975 qu’il rachète « Le Figaro » et devient le symbole du patron de presse ambitieux qui cherche à agrandir son empire. Cela lui vaut le surnom de « Papivore » ou, pire encore, de « Herr Sant » par le « Canard enchaîné ». En 1984, la Gauche, revenue au pouvoir trois ans auparavant, va tenter de faire adopter une loi restreignant la concentration dans la presse, afin de contraindre Robert Hersant à vendre une partie de son groupe. Outre « L’Auto-journal » et « Le Figaro » déjà cités, celui-ci comportera notamment, au plus fort de son extension, « France-soir », « La Voix du Nord », « Paris-Normandie », « Midi libre », « L’Est républicain, « L’Est-Éclair », « Le Dauphiné libéré », « Le Soir » (quotidien belge), « La Provence », « Nice-matin », etc. Pour contrer cette loi, dite Fillioud-Mauroy, Robert Hersant va alors, en 1985, diviser en deux entités juridiques distinctes son groupe : d’un côté « Socpresse » avec ses titres phares, de l’autre « France Antilles », avec notamment une myriade de quotidiens locaux des DOM-TOM. D’autre part, le Conseil constitutionnel va largement retoquer la loi et la vider de sa substance, le peu qu’il en restera étant abrogé par la droite revenue au pouvoir en 1986.
Robert Hersant va maintenant s’intéresser à la télévision. Le président de la République, François MITTERRAND, ayant annoncé la création future de chaînes de télévision privées, il crée, la TVE (« TélEurop »), achète locaux et matériel, recrute quelques « pointures » du milieu du journalisme : Patrice DUHAMEL et Jean-Claude BOURRET (TF1), Jean-Marie CAVADA (« Antenne 2 » et FR3), Philippe RAMOND (« Canal + »), Guillaume DURAND (« Europe 1 »), recrute également quelques animateurs de renom, dont Patrick SABATIER et Patrick SÉBASTIEN, achète les droits de séries américaines, de dessins animés japonais, des retransmissions du tennis et des grands prix moto. Il s’associe enfin avec l’homme d’affaires italien Silvio BERLUSCONI pour devenir, en 1987, l’opérateur de la chaîne « La Cinq ». Mais le succès ne sera pas au rendez-vous et, pour éviter la faillite de son groupe de presse, Robert Hersant va revendre ses parts à l’industriel Jean-Luc LAGARDÈRE.
Il meurt à l’age de 76 ans et est enterré au cimetière de Passy, dans le seizième arrondissement de Paris. À sa mort, le groupe Hersant emploie 8 000 personnes et génère un chiffre d’affaires de 6 milliards de francs.
Après que, en août 2002, l’industriel et homme politique Serge DASSAULT est entré dans le capital de la « Socpresse », celle-ci est vendue en 2004 au groupe Dassault.
Sources :
Écrit par : Jean-Michel Cousin
Le 11/08/2024