Pierre, Octave COURANT

12/09/1897 Le Havre – 22/03/1965 Le Havre

Élève lycée de garçons (1903-1915)

Membre de l'Association depuis 1919

Avocat

Maire du Havre (1941-1944, puis 1947-1954)

Député (1945-1962)

Conseiller général (1945-1964)

Ministre (1951-1952, puis 1953)


Photo : Wikipedia

Pierre Courant naît au Havre. Il est le fils de Gaston Courant et de son épouse, née Jeanne BROUILLON. Il entre au lycée du Havre, en classe enfantine, le vendredi 3 octobre 1903 à 8 heures du matin, ses cours commençant après la messe du Saint-Esprit dite en la chapelle de l'établissement. Il obtient le premier prix de lecture, distinction qui lui sera de nouveau accordée en Préparatoire B en 1904-1905. L'année suivante, en Préparatoire A, toujours premier prix de lecture, il l'est aussi en récitation. En 1906-1907, le voilà en 8ème B, et il est récompensé du premier prix de lecture et de récitation (qui ne font qu'une matière cette année-là), mais surtout du prix d'Excellence. Pas de documents ou de trace de Pierre Courant en 7ème et en 6ème. Nous le retrouvons en 1909-1910 en 5ème A, où il obtient un sixième accessit de lecture, puis en 4ème A l'année suivante, récompensé par un premier prix de composition française. En 3ème, il n'apparaît pas dans les palmarès. 1912-1913 le voit en seconde, où il obtient un premier prix de version latine et en histoire ancienne, un deuxième prix de thème latin et de mathématiques, et un prix de version grecque. Sa 1ère, en 1913-1914, le voit obtenir le premier prix de version latine, mais surtout le prix d'Excellence. Enfin, l'année 1914-1915, qui le voit obtenir à l'issue de sa Terminale son baccalauréat « Philosophie », le voit récompensé du prix d'Excellence et d'un premier prix de dissertation française. Après sa scolarité dans notre lycée, il entreprend à Paris des études de Droit et de Lettres qui lui vaudront d'obtenir une licence dans ces deux matières. Il étudie aussi à l'École Libre des Sciences politiques (« Sciences Po »).

En 1919, il s'inscrit comme avocat au Barreau du Havre, dont il sera plus tard bâtonnier. Son adresse est 105 boulevard de Strasbourg. Il entame une carrière d'avocat d'affaires qui va lui permettre de se lier progressivement aux milieux dirigeants du Port. En 1926, il épouse Liliane WILKES, fille d'Alfred Wilkes, lui-même frère de Charles Wilkes, joueur international de football et un des pionniers havrais de l'aviation. Elle lui donnera deux filles, Marie-Pierre et Chantal.

C'est pendant le second conflit mondial que la vie de Pierre Courant va basculer. Rappelons que, à l'arrivée des troupes allemandes au Havre en juin 1940, pour pallier le départ de Léon MEYER, une commission municipale a été formée avec, à sa tête, un inspecteur des écoles primaires en retraite âgé de 74 ans, Frédéric RISSON, qui va assumer le rôle de maire du Havre. Cette commission sera d'ailleurs entérinée par un arrêté ministériel du 1er mars 1941. Le 3 juin 1941, un nouvel arrêté ministériel nommera officiellement maire Frédéric Risson, à la tête d'une équipe municipale dans laquelle figurent comme adjoints Pierre Courant, mais aussi Mademoiselle Andrée LÉVAREY. Mais, le 13 août, Frédéric Risson va mourir d'une « congestion cérébrale ». Georges PATRIMONIO va assurer un court intérim puis, le 24 septembre 1941, par décret du gouvernement de Vichy, Pierre Courant est nommé maire du Havre. Il déclare au journal « Le Petit Havre » : « Le maire du Havre est une sorte de fonctionnaire qui ne doit se mêler d'aucune question politique. C'est l'intérêt général de la ville et du pays qui doit être son guide ». Il souhaite « rétablir le contact avec mes concitoyens. […] Depuis un an, je partage nuit après nuit, jour après jour, les angoisses de ma ville natale. […] Je vais m'attaquer immédiatement au si difficile problème du ravitaillement, même si en cette matière la municipalité ne peut pas grand-chose ».

Dès sa nomination, Pierre Courant est conscient que, malgré les nombreuses tranchées-abris creusées sur le territoire de la ville, celles-ci, si elles sont efficaces en pare-éclats, sont très vulnérables en cas de coup direct. Il lance donc une réflexion pour rechercher des abris et des sites permettant d'abriter efficacement la population des bombardements (caves, abris creusés dans la falaise, etc.), ce qui permettra la mise en place du « Plan B » de la « Défense Passive », qui sera sûrement un des plus aboutis en France au moment des combats de la Libération. Il est par ailleurs très préoccupé des conditions de vie des petits Havrais, et communique par avis de presse : « La situation actuelle du Havre impose le devoir de rechercher tous les moyens d'éloigner de la ville le plus grand nombre d'enfants, soit chez des particuliers, soit dans des colonies de vacances ».

Pierre Courant va donc assurer son rôle dans des conditions difficiles, face à un occupant exigeant, contre un allié britannique prenant souvent la ville pour cible. Mais cette action ne va pas se faire à la satisfaction de tout le monde, et notamment pas de la mouvance communiste, pour laquelle il n'est que le maire de Vichy, qu'il a sans doute conservé du respect pour le maréchal PÉTAIN, se rendant à Vichy à plusieurs reprises pour demander des aides (il sera d'ailleurs décoré de la Francisque). Julien GUILLEMARD écrira pourtant : « Les autorités allemandes n'aiment pas du tout ce jeune maire, Pierre Courant, toujours calme comme un sphinx et qui leur montre, qui leur montrera jusqu'à la fin ce que c'est que Le Havre, en refusant, sauf en des cas exceptionnels, d'avoir le moindre contact avec elles ». Il faudra également, entre autres choses, régler le cas des sinistrés et gérer les personnes expulsées de certains quartiers et secteurs de la ville du Havre sur ordre de l'autorité occupante.

Le 4 septembre 1944, en Conseil municipal, Pierre Courant dira : « En septembre 1941, nous avons accepté de consacrer toutes nos forces à servir la Ville, alors qu'elle était encore dévorée par les incendies et que la disette y régnait malgré la richesse du pays normand. […] Nous avons trouvé Le Havre privé de ravitaillement, à peu près dépourvu d'abris. Malgré les efforts de mon excellent prédécesseur, M. Risson, qui est mort à la tâche, les sinistrés n'avaient pu être secourus et les enfants se trouvaient dans des conditions pitoyables. Nous n'avons pas ménagé notre peine. Ne pouvant obtenir du Gouvernement ni ciment ni fer, nous avons fait creuser dans la falaise d'immenses refuges souterrains et, voulant préparer l'après-guerre, nous avons établi l'un d'eux de telle façon qu'il sera bientôt, nous l'espérons, le double tunnel routier unissant la basse ville au plateau et l'établissement de liaisons faciles entre les deux parties de la Cité. Nous avons méthodiquement placé les enfants à la campagne, obtenu des secours pour les sinistrés, et, malgré les défaillances et les incompréhensions que nous rencontrions souvent, nous avons pu être à l'origine d'un grand mouvement de soutien en leur faveur, mouvement qui a été rendu plus efficace encore par la création de l'Association des Maires de la zone côtière qui, dès le début, a fait de moi son président.

Nous avons visité et secouru nos réfugiés dans les départements d'accueil, obtenu des suppléments de ravitaillement, et il n'a pas dépendu de nous que leur sort fût encore meilleur. […] Je ne parlerai pas de l'occupant. Le moment n'est pas venu encore, mais la population est maintenant édifiée. Elle a compris et elle a jugé. Vis-à-vis du gouvernement, ou plutôt des gouvernements qui se sont succédé, nous nous sommes enfermés dans une attitude fière et surtout intransigeante. […]

Nous avons fait ensemble une rude tâche. Elle comporte encore des risques ; peut-être les plus grands périls sont-ils devant nous. Peut-être, au nom même de ces idées de République et de Liberté que nous avons défendues quand elles étaient partout attaquées, voudra-t-on un jour nous frapper ». Le lendemain 5 septembre, le centre-ville du Havre est ravagé par un bombardement britannique, ce sera le tour le 6 des secteurs d'Aplemont et de Graville.

Pierre Courant va se dépenser sans compter pour transférer les services municipaux de l'Hôtel de Ville détruit dans les locaux de notre lycée. Il faut en effet continuer à assurer les formalités administratives, la recherche de logements, l'établissement de listes pouvant permettre aux familles de retrouver des personnes disparues, et puis réorganiser la vie, nourrir et loger les sinistrés, le tout coupé de l'extérieur, sous la menace d'autres bombardements et en présence d'un occupant qui, non seulement, ne veut pas céder, mais encore a les nerfs à vif… Le 12 septembre 1944, les troupes alliées pénètrent dans Le Havre, et Pierre Courant, réfugié dans le bâtiment des sœurs carmélites, rue de Trigauville, rejoint à pied la mairie provisoire, rue Ancelot donc. « Un remue-ménage se produit vers la rue Aristide-Briand. La foule s'écarte et se referme au fur et à mesure que passe un homme, et cet homme, c'est Pierre Courant, le maire du Havre. Il se dirige vers nous, des cris fusent de partout : « Vive Courant… Vive Monsieur le Maire ». Là encore, je marque un temps d'étonnement. En effet, j'ai entendu, ici et là, des propos désobligeants à son encontre : « Courant ! Un Vichyssois, un Pétainiste ». Et aujourd'hui, rien de tout cela, au contraire, c'est en héros qu'il est acclamé par une foule en délire. Que penser ? Un cortège se forme, maire en tête et se dirige par la rue Maréchal-Joffre, vers la place Thiers » (Maurice Desnos). Arrivé au lycée, Pierre Courant va accueillir Pierre CALLET, préfet délégué de la région du Havre, des officiers britanniques, mais aussi l'officier de liaison français, Philippe de Rothschild (ancien pilote de chasse de la première guerre mondiale, ex-« play boy », ancien coureur automobile sous le pseudonyme de « Georges Philippe », et propriétaire du « Château Mouton-Rothschild »). « Vous seriez venus il y a quinze jours… Une ville alors pleine de fleurs, et qui, pour vous accueillir, avait poussé la coquetterie jusqu'à dissimuler ses blessures », leur dit-il. Pierre Callet signifie à Pierre Courant que l'article 4 de l'ordonnance du 21 avril 1944 du « Comité Français de Libération Nationale » prévoit la révocation des maires et conseillers municipaux nommés par « l'usurpateur »…

Pierre Courant et Philippe de Rothschild devant le lycée

À 18 heures, une cérémonie est prévue au niveau du monument aux Morts, place Gambetta (place du Général-de-Gaulle aujourd'hui). Le sous-préfet Pierre Callet et le « Comité de Libération » qu'il vient de former, dirigé par Émile SICRE, ancien élu radical de l'équipe de Léon Meyer, et formé de représentants des partis de gauche et de la C.G.T., discutent, hors de sa présence, du bien fondé de la présence du maire destitué Pierre Courant à cette cérémonie. N'a-t-il pas été à la tête d'une administration nommée par Vichy ? Grâce à l'insistance d'Émile Sicre, qui rappelle que le maire a risqué plus d'une fois sa vie ou la déportation en s'opposant vigoureusement à des « diktats » de l'occupant, on propose enfin à Pierre Courant de prendre la tête du cortège. Mais celui-ci décline cet honneur : « Je préfère rester avec le Conseil municipal, derrière le nouveau préfet. Ensemble, nous avons peiné et risqué nos vies. Ensemble nous devons conclure ». « Il n'y aura pas de discours, l'heure est trop magnifique pour qu'on la gâte par des mots » écrira-t-il.

Pierre Courant place Gambetta le 12 septembre 1944.

En mai 1945 ont lieu les premières élections municipales de l'après-guerre. À la surprise quasi-générale, la liste présentée par Pierre Courant obtient une courte majorité, à la grande fureur des Communistes. Ceux-ci lui reprochent bien sûr les circonstances de sa nomination, mais aussi d'avoir été membre du COSI (« Comité ouvrier de secours immédiat »), fondé par d'ex-politiciens ou syndicalistes de gauche, une organisation caritative destinée à venir en aide aux ouvriers victimes des bombardements, mais considérée par les Communistes, notamment, comme un organe de propagande collaborationniste, mais aussi antisémite, qui aurait bénéficié de l'argent obtenu par la spoliation des biens des Juifs. Ils ne lui pardonnent pas non plus d'avoir publié un communiqué dénonçant un attentat commis au Havre contre deux soldats allemands. Ils l'accusent d'avoir repris « à son compte au niveau local la prétention du gouvernement de Vichy d'avoir joué le rôle de bouclier de la population en cherchant à maintenir le ravitaillement, en creusant des abris, en organisant les secours, en évacuant les enfants et en conjurant les habitants d'éviter les sacrifices inutiles au nom d'idéologies et de belles paroles » (John BARZMAN). Claude MALON n'hésite pas quant à lui à affubler Le Havre du surnom de « Vichy-sur-Seine ».

L'ordonnance du 21 avril 1944 s'appliquant toujours, Pierre Courant est déclaré inéligible. Toutefois, il va être lavé de toute accusation par un jury d'honneur, puis par la Justice, en appel, le 26 juin 1945 (après avoir été condamné en première instance le 25 avril). Le COSI est jugé collaborationniste au niveau national, mais « résistant » au Havre : « Ses responsables locaux n'ont pas fait de propagande et ont brûlé les tracts qui leur étaient envoyés de Paris. Au contraire, le COSI du Havre a apporté une aide importante aux sinistrés ». Témoin au procès, le capitaine VAUDREUIL, qui était de l'entourage du général DE GAULLE à Londres, dira : « On savait à Londres que la Municipalité du Havre faisait de la Résistance ». Émile Sicre dira de la Municipalité : « Pour si « vichyste » qu'elle ait été à son origine, cette administration a accompli son labeur dans la dignité et dans une véritable « résistance de fait » à l'ennemi »... Pierre Courant va se faire élire conseiller général en septembre 1945 (il le restera jusqu'en 1965), député en octobre 1945 (il le restera jusqu'en 1962), En 1946, il est vice-président de la Commission de la Marine marchande à la Chambre des députés. En décembre 1947, il reprend le fauteuil de maire du Havre sous l'étiquette des Indépendants. En 1951, il est vice-président de la Commission de la Justice.

D'un « notable » traditionnel, il a la prestance : calme, petit, assez replet, il en impose. « À lui seul, c'est tout un cortège », dit-on de lui avec humour. Il va bientôt entrer au gouvernement. D'août 1951 à mars 1952, il est ministre de l'Action et des Comptes publics dans des gouvernements dirigés par René PLEVEN et Edgar FAURE. De janvier à juin 1953, il sera ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme au cabinet de René MAYER. Le 27 mars sera adopté par le Parlement le « plan Courant » dont le but est de favoriser l'édification rapide et massive de logements nouveaux, des avantages spéciaux étant accordés pour 20 ans aux acquéreurs de terrains s'engageant à aménager des locaux d'habitation répondant à des plans-types, pouvant être revendus ou loués pour des sommes peu élevées, mais aussi de créer une « épargne-construction » à taux réduit, accompagnée de bonifications devant encourager l'investissement des populations à revenu modeste. L'originalité du « plan Courant » est de nouer ensemble une loi foncière, un mode de financement et une programmation normalisée. Il est par ailleurs inséparable de la création d'une contribution obligatoire des entreprises à l'effort de construction, chaque entreprise de plus de 10 salariés devant consacrer 1 % de sa masse salariale au logement de ses employés.

Pierre Courant est aussi le maire du Havre des débuts de la Reconstruction. Il n'a guère approuvé la nomination d'Auguste PERRET comme architecte en chef. Il lui aurait préféré les plans de Félix BRUNAU, depuis 1941 urbaniste officiel de la ville, qui prônait quant à lui de respecter, en les régularisant, les îlots de l'ancien centre-ville avec un linéaire de façade identique, mais aussi que la Reconstruction soit confiée à des architectes du cru sous contrôle de la Municipalité. Il ne va pas manquer de critiquer à de nombreuses reprises les coûts (qu'il juge exorbitants), les délais (qu'il juge excessifs) et le style (qu'il juge uniforme) de cette Reconstruction. Il écrira toutefois plus tard : « S'il y a ici plus de soleil, plus d'air, plus de bonheur qu'autrefois, alors ceux qui ont consacré quinze années de leur vie à édifier le nouveau Havre peuvent se dire : « Nous n'avons pas perdu notre temps » ».

Le 2 avril 1953, en raison de l'annexion de Bléville, le Conseil municipal est dissous et une Délégation spéciale est nommée par décret ministériel, dont Pierre Courant assume la présidence. Il est réélu maire le 5 mai 1953, mais le Conseil municipal est dissous le 18 mars 1954 pour cause de blocage institutionnel. Pierre Courant ne sera plus jamais maire du Havre.

Il conserve son mandat de député, celui de conseiller général de la Seine-Maritime (il présidera ce Conseil de 1958 à 1964). Notons qu'il sera également membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale jusqu'en 1962. Il sera aussi membre du Conseil de l'Europe (1956-1962) et du Sénat de la Communauté (1959), administrateur de la Bourse d'échanges de logements (1961), administrateur de la Société d'économie mixte de l'autoroute Paris-Normandie (1963) et président du comité de rédaction de la Revue politique des idées et des institutions. Il présidera par ailleurs un certain nombre de commissions, appartiendra au comité directeur de plusieurs associations..

Aux élections législatives de 1962, après qu'il a voté la censure contre le gouvernement POMPIDOU, mais appelé à voter « oui » au référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel, Pierre Courant est battu au premier tour et se retire pour favoriser l'élection du Docteur Maurice GEORGES, gendre de René COTY. C'est le début de la fin de sa carrière politique.

Il meurt à l'âge de 67 ans.

Depuis 1996, la place située face au palais de Justice du Havre, à la place d'un îlot détruit dans un bombardement et jamais reconstruit, se nomme place Pierre-Courant.

Décorations :


Ordre national de la Légion d'honneur au grade de chevalier

Ordre de la Francisque

Ordre de Léopold (Belgique) au grade de commandeur

Médaille d'Honneur pour acte de courage et de dévouement, échelon vermeil


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 06/07/2025