Marcel GASCOIN
24/08/1907 Le Havre – 27/10/1986 Paris XIIIème
Élève lycée de garçons (1913-1921)
Décorateur
Marcel Gascoin naît au Havre, rue Augustin-Normand, dans une famille comptant plusieurs marins installés dans le quartier du Perrey. Son père, quant à lui, est chef d’atelier de menuiserie à l’École pratique d’industrie, à l’angle des rues de Tourville et Dumé-d’Aplemont (actuel lycée Jules- Siegfried), et la famille sera ensuite domiciliée 14 rue de Tourneville. Il intègre le lycée du Havre le 1er octobre 1913, en classe infantile (maternelle) et y restera jusqu’en cinquième. Il est externe libre et étudie alors l’anglais comme langue vivante.
Il va ensuite suivre une double formation. Il apprend d’abord la menuiserie et l’ébénisterie à la section des Arts appliqués de l’école des Beaux-Arts du Havre, alors située dans l’ancien Temple maçonnique, 44 rue Jules-Lecesne (aujourd’hui école de Danse du conservatoire Arthur-Honegger). Il se rendra ensuite à Paris, rue d’Ulm, pour suivre les cours de l’ENSAD (École nationale supérieure des Arts décoratifs), les « Arts déco », et y parfaire sa formation théorique.
Il va y rencontrer Henri SAUVAGE, architecte-décorateur brillant et prolifique. Celui-ci va l’inciter à prendre la voie d’une production « à la fois moderne et sociale ». Fasciné par la précision de la décoration intérieure de certains bateaux depuis sa plus tendre enfance, Marcel Gascoin affirme avoir découvert dans ce mobilier et le commerce du bois un « parfum d’aventure » et un certain sens pratique. Il va emprunter le concept d’« adaptation du contenant au contenu » qui va devenir la ligne directrice de sa conception de meubles. C’est une idée neuve qui lui vaut d’obtenir une recommandation de Robert MALLET-STEVENS, célèbre architecte et designer séduit par ses propos, pour participer, en 1930, à l’exposition de l’« Union des artistes modernes ». En 1934, il participera, en collaboration avec Jean PROUVÉ, autre célèbre architecte et designer, spécialisé dans les réalisations en acier (un des concepteurs du musée André-Malraux du Havre), à un concours pour la création d’une cabine de bateau organisé par l’OTUA (« Office des techniques d’utilisation de l’acier »).
Marcel Gascoin refuse toutefois de rester figé sur les principes de l’« Architecture moderne ». Il aime la « belle ouvrage », les meubles à la fois utiles et solides, il est attaché au bois et à l’artisanat de marine. Il prolongera cette inspiration pendant toute sa carrière, dans l’aménagement des armoires, l’utilisation de systèmes (meubles escamotables, pliants, gigogne [comme des lits gigognes avec coffre intégré], à abattant, étagères réglables sur crémaillères, etc.) rappelant les astuces utilisées pour aménager l’espace étroit d’une cabine de bateau.
La première expérience professionnelle de Marcel Gascoin consiste en l’aménagement de vitrines du faubourg-Saint-Antoine, à la limites des XIème et XIIème arrondissements de Paris, un quartier à vocation d’ameublement. Mais, déjà, il est l’homme d’un modernisme « accessible et pragmatique ». Il s’oriente vers la production de meubles de série, économiques et de qualité, suivant en cela les évolutions du salon des Arts ménagers, et notamment lors de celui de 1938, où il propose des systèmes de rangement. Toutefois, il ne rencontre pas en France le succès espéré, seule l’Europe du nord accueillant favorablement ses créations.
Il va falloir attendre la fin du second conflit mondial pour que Marcel Gascoin trouve une nouvelle chance d’imposer en France ses idées, d’ailleurs influencées par ce qui s’est passé alors dans les pays nordiques, notamment la Suède épargnée par la guerre. Il s’est également intéressé à l’ergonomie, très étudiée en Europe du nord, ce qui aboutira aux caractéristiques d’une de ses créations les plus célèbres, la « C-Chair » ou « Chaise-C ». Il sera sans doute favorisé en cela par l’amitié qui le lie à Raoul DAUTRY et Eugène CLAUDIUS-PETIT, qui seront tous deux ministres de la Reconstruction et de l’Urbanisme. En 1947, il va jouer le rôle de coordonnateur de l’Exposition internationale de l’Urbanisme et de l’Habitation, et y présenter un modèle d’appartement de la Reconstruction de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), confiée à l’architecte Marcel LODS, proche de LE CORBUSIER. Au salon des Arts ménagers de 1949, il présente le « Logis 49 » pour la Caisse d’allocations familiales de la région parisienne. Marcel Gascoin apparaît comme le décorateur tout désigné pour répondre aux problèmes pratiques soulevés par les sinistrés. Le mobilier en bois dénué de luxe (ou d’un « luxe pour tous »), d’entretien facile, rejoint alors la préoccupation de rester économiquement et psychologiquement accessible au plus grand nombre, ce que démontrera plus tard la large diffusion des meubles Gascoin, disponibles dans toutes les grandes villes de France et à faible prix (équivalent aux meubles industriels courants). Il sera toutefois boudé par les grands industriels français et devra s’associer avec l’anglais « Airborne » qui fabrique des sièges d’avions. En 1945, déjà, pour éditer ses cuisines encastrées sur mesure, il avait dû créer la marque « Comera » (Compagnie des meubles rationnels). En 1950, après la mort prématurée de René GABRIEL, due à la tuberculose, il devient la tête de file de la recherche sur ce type de meubles.
Ceci ne manque pas, bien sûr, d’intéresser ceux qui vivent la Reconstruction du Havre, assurée par Auguste PERRET et son Atelier d’architecture. De 1952 à 1955, Marcel Gascoin va faire appel à une entreprise de sa ville natale spécialisée dans la fabrication industrielle de mobilier de marine, l’entreprise Loison frères, pour y éditer et y diffuser ses meubles. Ceux-ci sont, dit-on, parfaitement adaptés aux besoins de la société d'après-guerre et ce n'est pas pour rien qu'ils sont considérés comme des exemples de premier ordre du design moderne. Ils sont principalement en chêne, clair ou teinté, parfois cérusé, rarement verni. Ils sont clairs, gais et pratiques, de forme fine et souple. La réputation acquise est telle que l’atelier de Marcel Gascoin va attirer les meilleurs des jeunes créateurs sortant des écoles de décoration, qui vont être regroupés au sein de l’ACMS (« Association des créateurs de modèles de série ») destinée à protéger les modèles, à en fixer les prix, à les protéger des méthodes de vente des « ensembliers » et des démarcheurs et à investir les premiers réseaux de distribution de meubles.
Une obsession de Marcel Gascoin sera en fait de créer les conditions d’un rangement rationnel, ce rangement au centre de la relation entre contenant et contenu. Il aurait, pendant l’occupation, mesuré tous les objets du quotidien, ce qui lui aurait ainsi permis d’optimiser ses meubles. En 1961, au trentième salon des Arts ménagers, le premier organisé au CNIT (« Centre des nouvelles industries et technologies ») de la Défense, il va présenter un « appartement préfabriqué » entièrement de son cru, présenté comme un modèle pour les HLM (« Habitations à loyer modéré »), modélisé d’après sondage. Dans chaque pièce, un « rangement » constitue l’unique élément mobilier, ce qui constitue en fait « le paroxysme d’une pensée rationnelle » : chaque meuble n’a qu’une fonction, celle de ranger.
À partir des années 1960 toutefois, la production de Marcel Gascoin va avoir tendance à se marginaliser et il va petit à petit tomber dans l’oubli.
Il meurt à l’âge de 79 ans.
Décorations :
- Ordre national de la Légion d’Honneur, au grade de chevalier (1951)
- Croix de guerre 1939-1945 avec une citation
Chambre d’enfant, par Marcel Gascoin.
Appartement témoin de la Reconstruction du Havre.
181 rue de Paris 76600 LE HAVRE
Photographies : JM COUSIN
Sources :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Gascoin
- https://www.smow.fr/marcel-gascoin/
- https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2007-3-page-39.htm
- Archives du lycée
- Documents personnels
Écrit par : Jean-Michel Cousin
Le 20/05/2024