Jérôme, Ernest, Joseph CARCOPINO


27/06/1881 Verneuil-sur-Avre – 17/03/1970 Paris VIIème
Professeur au lycée de garçons (1907-1911)


Photo : Académie française

Jérôme Carcopino est le fils unique d’un médecin corse, installé à Verneuil-sur-Avre, et d’Alphonsine DUMOND, fille de propriétaires terriens, décédée de la typhoïde dix-huit mois après sa naissance. Il sera élevé par la seconde épouse de son père, issue d’un milieu artistique, et ce milieu familial va prodiguer au jeune Jérôme une éducation républicaine et progressiste. Bien que baptisé dès sa naissance dans la religion catholique, le jeune homme sera plutôt libre penseur.

Il suit ses études secondaires au collège Sainte-Barbe, rue Valette à Paris Vème, sur la Montagne-Sainte-Geneviève, près du Panthéon, à partir de 1892, puis, dès la 4ème, au tout proche lycée Henri-IV, rue Clovis dans le même arrondissement. En 1901, il intègre l’École Normale Supérieure et est classé premier en 1904 à l’agrégation d’histoire et de géographie. Il poursuit ses études à l’École française de Rome jusqu’en 1907. C’est alors qu’il est nommé dans notre lycée où il va rester quatre ans.

De 1911 à 1912, Jérôme Carcopino est secrétaire du futur président du Conseil, puis président de la République, Raymond POINCARÉ, avant d’être nommé chargé de cours à la faculté d’Alger puis, dès 1913, inspecteur-adjoint et directeur du Musée national des antiquités algériennes.

La première guerre mondiale le voit servir comme lieutenant dans les Zouaves de l’Armée d’Orient. Il y obtiendra la Légion d’honneur à titre militaire et deux citations. Au sortir de ce conflit, il est qualifié de « pacifiste, conservateur et traditionaliste » (Wikipedia).

Dès 1918, Jérôme Carcopino soutient deux thèses (l’une porte sur les origines, selon Virgile, d’Ostie, le port de la Rome antique) et est élu, en 1920, maître de conférences en histoire romaine. Il sera professeur sans chaire en 1925, puis professeur titulaire en histoire romaine à la Sorbonne en 1930 et publie de nombreux ouvrages sur la Rome antique dont, en 1935, ce qui est considéré comme son chef-d’œuvre, « César ». Il y aura juste un intermède en 1922-1923 quand, à la mort du directeur de l’École française de Rome, il le remplacera par intérim, le temps de pouvoir nommer un nouveau directeur, ce qui lui laissera tout de même le temps de moderniser profondément l’école. Il y reviendra en 1937, comme directeur titulaire cette fois, nommé pour six ans, mais ce mandat sera interrompu par la déclaration de guerre de l’Italie à la France, le 10 juin 1940, obligeant Jérôme Carcopino à regagner Paris. Notons que, en 1938, il s’est rapproché de la religion.

Dans Paris occupé, il prend la direction de l’École Normale Supérieure et assume bientôt, sans en avoir le titre, les fonctions de recteur de l’Académie de Paris, Gustave ROUSSY ayant été révoqué suite aux manifestions étudiantes du 11 novembre 1940. C’est une époque où, catholique mais laïque, il s’oppose aux positions cléricales du secrétaire d’État à l’Instruction publique de Vichy, Jacques CHEVALIER. Il prépare ainsi son entrée en politique, période qui fera de lui un personnage contesté.

Le 24 février 1941, Jérôme Carcopino est nommé secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse dans le gouvernement de l’amiral François DARLAN. Il accepte ce poste « un peu naïvement, persuadé que c’était sa manière de servir la France dans cette période noire » (Académie française). Il va rapidement passer un accord avec le cardinal Emmanuel SUHARD, archevêque de Paris, quant au financement de l’école privée, mais va suspendre l’introduction de la religion dans les programmes de morale de l’école primaire, notamment les « devoirs envers Dieu », l’enseignement religieux n’étant plus proposé que de manière facultative. Il va attacher son nom à la réforme de l’enseignement scolaire adoptée le 15 août 1941, tout en proposant semble-t-il au maréchal PÉTAIN un numerus clausus des étudiants juifs. La réforme Carcopino vise à lutter contre la démocratisation de l’école et l’idée d’école unique introduite quelques années auparavant par le Front populaire (abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire, suppression de la gratuité de l’enseignement secondaire, modification des programmes, etc.), tout en appliquant avec rigueur les lois vichystes contre les juifs et les francs-maçons. « Parmi les ministres de l'Éducation nationale de Vichy, il est celui qui a mis, au service de la Révolution nationale, le tempérament le plus autoritaire et la poigne la plus rude » (Jules ISAAC).

Le 27 septembre 1941, Jérôme Carcopino est l’auteur d’une loi réglementant les fouilles archéologiques, complétée par une loi du 21 janvier 1942. La première sera validée après la Libération, à l’origine de l’organisation administrative de l’archéologie française dont une bonne partie est encore en vigueur aujourd’hui.

Pierre LAVAL revenant aux Affaires, Jérôme Carcopino démissionne, le 18 avril 1942, du gouvernement où il est remplacé par Abel BONNARD. Il reprend son poste à la tête de l’École Normale Supérieure où il s’efforce de faire échapper ses étudiants au STO (« Service du travail obligatoire »), mais en essayant, selon certains, de les dissuader d’entrer dans la Résistance, et tentant surtout de préserver son sort. Il va instituer une quatrième année d’études, permettant à ses étudiants diplômés de commencer une thèse.

À la Libération, Jérôme Carcopino est révoqué de ses fonctions en raison de sa participation à l’État français de Vichy. Il est emprisonné à Fresnes en août 1944, dans une cellule qu’il partage avec Sacha GUITRY, et parvient à obtenir en février 1945 sa libération provisoire. Le 11 juillet 1947, la Haute cour de Justice rend un arrêt de non-lieu pour « services rendus à la Résistance » (Jacques Chevalier est condamné à vingt ans de travaux forcés, Abel Bonnard est condamné à mort par contumace)… En 1951, Jérôme Carcopino est réintégré dans la Fonction publique.

Le 24 novembre 1955, il est élu à l’Académie française, au fauteuil d’André CHAUMEIX, lui-aussi ancien partisan de la Révolution nationale, où il sera reçu le 15 novembre 1956 par André FRANÇOIS-PONCET.

Il décède à son domicile à l’âge de 88 ans, et est inhumé à Laferté-sur-Aube (Haute-Marne).

Il était :

  • Croix de guerre 1914-1918
  • Officier de la Légion d'honneur
  • Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1930
  • Prix Louis Barthou de l'Académie française en 1938
  • Membre de l'Académie française en 1955
  • Docteur honoris causa de l’Université d'Oxford
  • Membre de l’Académie pontificale d’archéologie romaine
  • Membre de l'Académie roumaine
  • Membre de l'École française de Rome

Il était le cousin de l’écrivain Francis CARCO (de son vrai nom François CARCOPINO-TUSOLI)

La bibliothèque Jérôme Carcopino à Verneuil d’Avre et d’Iton, dans l’Eure
(photographie : Bertrand Vittecoq)


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 06/09/2022