Jean-Paul FILLASTRE

5/06/1934 Le Havre – 19/09/2018 Rouen

Élève lycée de garçons (1945-1952)

Professeur de Médecine


Photo : Actu76

Jean-Paul Fillastre naît au Havre dans une famille de marins. Son grand-père commandait un « terre-neuvas », ces bateaux qui allaient pêcher la morue sur les grands bancs de Terre-Neuve, au large du Canada. Son père, pilote du Havre quant à lui, vit à Sanvic, dans la plaine de la Mare-au-Clerc, 10 rue Pierre-Loti (rue Jean-Perrin au Havre depuis 1956).

Il va entrer dans notre lycée en section classique (latin-anglais) en 6ème2, le 26/11/1945, en tant qu’externe libre. Il se révèle bon élève en histoire et géographie, plutôt bon en anglais et en latin. Il va fréquenter le lycée jusqu’en 1952, avec l’obtention de son baccalauréat à l’issue d’une « math élem » où il obtient le 1er prix de sciences naturelles. Sans doute pour respecter une tradition familiale, il s’embarque immédiatement comme « pilotin » sur un bananier qui fait la liaison entre Le Havre et la Guadeloupe.

L’expérience n’est sans doute pas concluante, puisque, au terme des vacances universitaires, il s’inscrit à l’École de Médecine de Rouen. Ses brillants résultats incitent ses professeurs à le pousser à passer le concours d’Externat des Hôpitaux de Paris. Il est admis, comme il le sera plus tard au concours d’Internat des mêmes hôpitaux de Paris. C’est vers la gastro-entérologie que Jean-Paul Fillastre va initialement s’orienter. Il va notamment rapidement aller faire un stage au John Hopkins Hospital de Baltimore, dans le Maryland, au nord-est des États-Unis. Toutefois, au cours de son Internat, il va découvrir un domaine fréquemment rencontré en gastro-entérologie et dont la compréhension est alors récente : les troubles hydro-électrolytiques. Il passe son sixième semestre d’Internat dans le service du Professeur Gabriel RICHET, alors assisté de Raymond ARDAILLOU et Claude AMIEL, et est vite séduit par cette nouvelle discipline qu’est la néphrologie, une discipline médicale s’intéressant aux maladies des reins (à ne pas confondre avec l’urologie qui est une spécialité chirurgicale s’intéressant à l’ensemble du système urinaire, ainsi qu’à l’appareil génital masculin), vers laquelle il s’oriente désormais. Il réalise un stage de Médaille d’Or (une année d’internat supplémentaire attribuée sur concours) dans le service du Professeur Jean HAMBURGER à l’Hôpital Necker, puis rejoint pour son clinicat le Professeur Richet à l’Hôpital Tenon. Il est Docteur en Médecine depuis 1964.

Jean-Paul Fillastre est donc appelé à exercer une fonction hospitalo-universitaire. Il choisit alors de revenir à Rouen pour y créer un service de néphrologie. Il prend ses fonctions en septembre 1970, dans le pavillon Louis-Martin (le « PLM »), un pavillon à un étage en forme de « U », disparu lors des travaux ayant transformé l’Hôpital Charles-Nicolle en un CHU moderne, qu’il partage avec le service de maladies infectieuses du Professeur Guy HUMBERT et la réanimation médicale du Professeur Jacques LEROY. À cette époque, il n’existe pas en Normandie de centre d’hémodialyse et il va s’efforcer d’en créer un (le centre de l’Hôpital de Bois-Guillaume ouvrira en 1976), puis de contribuer à l’ouverture d’autres centres dans la région. Il se donne pour mission de « rééquilibrer la carte sanitaire » afin d’offrir à la Haute-Normandie des capacités de dialyse équivalentes à celles des autres régions. Par ailleurs, dès son arrivée à Rouen, Jean-Paul Fillastre crée, avec ses homologues de cardiologie et d’endocrinologie, une consultation multidisciplinaire d’hypertension artérielle.

Qui dit poste hospitalo-universitaire dit aussi activités de recherche. Or, la toute nouvelle Faculté de Médecine de Rouen (qui a succédé à l’École de Médecine en 1970) n’en comporte alors que peu. Jean-Paul Fillastre, au contact de Raymond Ardaillou, y a pris goût et va créer, avec ses collègues de la Faculté des Sciences, un Groupe de recherche de Pathologie tissulaire, dont la thématique repose sur la néphrotoxicité des antibiotiques, et notamment des aminosides (streptomycine, gentamicine, etc.), des travaux qui vont lui valoir une renommée internationale et lui permettront d’organiser à Rouen deux congrès internationaux sur ce thème. Il obtiendra en 1986 le prix de la « Haute Maison » et la création de l’unité « INSERM U 295 » intitulée « Physiopathologie et génétique rénale et pulmonaire » (l’INSERM étant l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale). Ce groupe de recherche étendra ensuite son activité à la toxicité des médicaments anti-cancéreux et au développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale.

En 1989, il va participer à la mise en place de la première transplantation rénale pratiquée à l’Hôpital Charles-Nicolle.

Qui dit poste hospitalo-universitaire dit encore enseignement et formation. Le Professeur Jean-Paul Fillastre, je peux en témoigner, était un enseignant très intéressant, car visiblement passionné par la néphrologie. Ses cours magistraux étaient clairs, enthousiastes, dynamiques, et on pouvait remarquer qu’il n’avait pas perdu l’accent havrais. Il participera à la mise en place de l’enseignement par petits groupes à la Faculté de Médecine de Rouen, auquel il insistera pour participer personnellement. Il travaille à la révision des programmes d’enseignement. Il anime, par ailleurs, des enseignements post-universitaires (EPU) à l’attention des médecins en activité, notamment sur l’hypertension artérielle.

Son service de néphrologie est reconnu pour la qualité de la formation qui y est dispensée. Externes (« étudiants hospitaliers »), internes (parfois même d’autres spécialités) viennent s’y former, ce qui suscitera de nombreuses vocations de néphrologues.

Jean-Paul Fillastre va aussi aller prodiguer son enseignement à l’étranger, et nouera notamment des liens très solides avec ses confrères tunisiens, les Professeurs Hassouna BEN AYED et Hédi BEN MAIZ. Des conventions existent entre les Hôpitaux Charles-Nicolle de Tunis et de Rouen, et le service rouennais aura le bonheur d’accueillir de nombreux internes tunisiens, dont certains feront de brillantes carrières.

Il serait fastidieux d’énumérer toutes les fonctions administratives qu’a remplies Jean-Paul Fillastre, tant au plan régional que national, au long de sa carrière. Citons simplement qu’il devient, en 1986, président de la Société de Néphrologie, dont il va révolutionner les instances et le fonctionnement. Il en sera récompensé, en 2002, en même temps que le Professeur Ben Ayed, en recevant la première médaille Jean Hamburger.

Malgré cette activité professionnelle intense, Jean-Paul Fillastre trouve le temps et l’énergie d’effectuer, une fois par semaine, un parcours de golf que seule la neige pouvait l’empêcher d’accomplir.

Il possède une grande réputation d’humanité, tant vis-à-vis de ses externes, ses internes, ses chefs de clinique, ses confrères, mais surtout vis-à-vis de ses malades et de leurs familles, qu’il se fait un devoir de recevoir si elles le lui demandent. Mais c’est un homme de conviction, qui sait défendre son point de vue sans langue de bois. Je l’ai entendu un jour, lors d’un staff pluridisciplinaire, s’opposer avec vigueur à un de ses collègues chef de service de chirurgie, brillant praticien mais personnage tout à fait déplaisant dont je tairai le nom, et le traiter d’« excité du bistouri »...

Après sa retraite, il est nommé professeur émérite. Son élève, le Professeur Michel GODIN, lui succède.

Il meurt à l’âge de 84 ans. Ainsi qu’il l’avait souhaité, ses obsèques ont été célébrées dans la plus stricte intimité familiale.

Sources :


Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 06/10/2024