Guy MOLLET


de naissance Alcide, Guy Mollet
31/12/1905 Flers-de-l’Orne (Orne) – 3/10/1975 Paris
Maître d’internat lycée de garçons (1923-1925)
Professeur d’anglais – Homme politique


Photographie Wikipedia

Guy Mollet naît dans une famille très modeste. Son père, Pierre, ancien employé de commerce, est devenu contremaître ouvrier-tisserand et fait trôner une photo de Jean JAURÈS au-dessus de la commode de sa chambre. Sa mère, Marie LELIÈVRE, est une catholique sociale convaincue à une époque où l’église n’accepte la République que du bout des lèvres…

Le petit Guy naît donc officiellement le 31 décembre 1905. Officiellement, car il est né en fait le 2 janvier 1906. Or, l’employé de l’État civil n’a pas encore reçu le registre de 1906, et il propose à Pierre Mollet de déclarer la naissance de son fils deux jours auparavant, arguant du fait que l’enfant gagnerait un an pour son service militaire et pourrait commencer à travailler plus tôt.

Il suit sa scolarité à l’école laïque mais se classe premier au catéchisme en 1917, à la grande satisfaction de sa mère et au grand désappointement du prêtre qui déplore que ce ne soit pas un élève de l’école confessionnelle qui occupe cette place. Pour ménager ses yeux très fragiles, sa mère lui lit ses leçons, l’enfant développant ainsi une étonnante mémoire auditive, et cette façon de procéder perdurera dans ses méthodes de travail. Toujours en 1917, le jeune Guy est reçu premier au concours départemental des bourses avant d’entrer en sixième à la rentrée au collège de Flers, où son statut de boursier lui vaudra l’animosité de certains et sans doute ce qu’on appellerait aujourd’hui du harcèlement. Mais, cette année-là, Pierre Mollet, mobilisé en 1914, est fortement gazé. Il finira par en mourir en 1931, et le spectacle de ce père agonisant longuement va développer chez ce jeune homme, devenu pupille de la Nation, une haine de la guerre qui ne le quittera plus.

En 1923, Guy Mollet obtient son baccalauréat et un premier poste de maître d’internat à Caen. Bien qu’il semble qu’il n’y soit resté que peu de temps, il va y faire la connaissance de Ludovic ZORETTI, un mathématicien et syndicaliste socialiste, qui va le convaincre d’adhérer à la SFIO (« Section française de l’Internationale ouvrière »). Cette même année 1923, il est nommé maître d’internat au lycée de garçons du Havre (ses collègues s’appellent LEBRETON et HAMEL), qui possède encore un internat à cette époque.

C’est au Havre que Guy Mollet va réellement se lancer dans le militantisme, tout d’abord syndical dans un milieu enseignant où n’existent alors que des amicales sans action revendicative. Il va participer à la création de la « Fédération générale de l’enseignement » (devenue en 1945 la FEN, « Fédération de l’Éducation nationale »). Il crée également un syndicat national des maîtres d’internat, ces surveillants chargés du service de nuit, guère riche de plus de 150 membres, qui publie un bulletin de liaison, « Le Petit Chose » (une référence au roman d’Alphonse DAUDET, et une allusion au traitement qu’il pensait avoir reçu au collège de Flers). Localement, il ne parvient à regrouper autour de lui que quatre collègues, et c’est à l’occasion d’une intervention en faveur de l’un d’eux qu’il est déplacé d’office à Lisieux en septembre 1925. De plus, il adresse à Henry CHÉRON, sénateur-maire de Lisieux, ministre des Finances, une carte de visite l’assurant se son « plus parfait mépris ». Convoqué au rectorat de Caen, Guy Mollet est tancé pour son insolence. Il est renvoyé au Havre, où il ne va rester que deux jours, son poste étant immédiatement supprimé. Il refuse successivement deux affectations, au Quesnoy (Nord, non loin de Valenciennes) et à Saint-Quentin (Aisne), étant contraint d’en accepter un à Arras (Pas-de-Calais). Il pense n’y rester guère plus de trois mois.

Il va pourtant s’y installer. Il va également poursuivre des études à la faculté des lettres de Lille et y obtenir une licence et un diplôme d’études supérieures en anglais en 1931. Son intense activité syndicale aurait selon lui expliqué les difficultés qu’il rencontre à être nommé professeur.

En 1928, il devient secrétaire fédéral des « Jeunesses socialistes », ayant découvert, dans cette région où cette tendance politique est fortement enracinée, une forme de socialisme héritée de Jules GUESDE. À la section socialiste d’Arras, il rencontre une jeune femme, Odette FRAGNEAU, qu’il va épouser le 23 avril 1930 et qui lui donnera deux filles.

Le 22 avril 1931, ses études terminées, vient le temps du service militaire qu’il effectue à Tours (Indre-et-Loire). C’est après cette période que Guy Mollet, s’il demeure syndicaliste, va s’engager franchement en politique. Se souvenant de l’enseignement de Ludovic Zoretti, il milite pour la SFIO car il est avant tout pacifiste… Toutefois, son courant, « Bataille socialiste », s’il est majoritaire à Arras, est minoritaire dans le Pas-de-Calais et pèse peu au niveau national face à l’influence de Léon BLUM. En 1938, il est titularisé comme professeur.

Notons que, en 1934, il devient franc-maçon, à la loge « Conscience » du Grand Orient de France, à Arras.

Guy Mollet est mobilisé le 29 août 1939. Le 17 mai 1940, il est blessé et fait prisonnier au Touquet-Paris-Plage et envoyé dans un « stalag » à Weinsberg. Le 28 juin 1941, il est libéré grâce à un faux certificat médical, et retrouve d’abord un poste d’enseignant à Vire avant de pouvoir revenir au lycée d’Arras. Il s’engage rapidement dans la Résistance (pseudonyme : « Laboule ») au sein de l’« Organisation civile et militaire » (OCM), qui réunit des personnages venus de tous les horizons mais, dans le Pas-de-Calais, majoritairement des socialistes. Il va y remplir au sein du réseau « Samson » des fonctions de renseignement et écrit pour le journal clandestin « La Voix du Nord ». Mais l’OCM va être infiltrée par la Gestapo, d’où une vague d’arrestations et d’exécutions fin 1943. Brièvement arrêté, Guy Mollet réussit à se sauver dans l’Yonne puis à Flers avec sa famille. Il participe aux combats de la Libération, et est ensuite chargé de l’épuration à Flers-sur-Orne. Il ne revient à Arras qu’en octobre 1944.

Président du Comité départemental de Libération du Pas-de-Calais, Guy Mollet se fait élire, début 1945, conseiller général puis maire d’Arras (il le restera jusqu’à sa mort) à une époque où les socialistes perdent au profit des communistes de nombreux bastions du bassin minier. Ceci va lui permettre d’accroître son importance et son influence sur la Fédération socialiste du Pas-de-Calais, mais aussi au niveau national, puisque, dès 1946, à la surprise générale et grâce à un accord avec les « Blumistes », il devient secrétaire général de la SFIO, fonction qu’il conservera jusqu’en 1969. Guy Mollet présente alors l’avantage, aux yeux de certains stratèges de la SFIO, d’être un militant provincial issu d’une prestigieuse fédération ouvrière (loin de l’agitation permanente de la Fédération de la Seine) et une alternative politique crédible car il semble facile à contrôler.

Bientôt, en novembre 1946, il est élu député. Il devient rapidement ministre d’État dans le gouvernement Blum de 1946 à 1947, ministre d’État chargé des Affaires européennes dans le gouvernement PLEVEN, de 1950 à 1951. De mars à juillet 1951, il est vice-président du Conseil chargé du Conseil de l’Europe dans le cabinet QUEUILLE. Il continue bien sûr à diriger la SFIO, le seul groupe qui ne fera jamais défaut à Pierre MENDÈS-FRANCE le temps de son passage à la tête du gouvernement, entre 1954 et 1955.

Le 2 janvier 1956, des élections législatives donnent une courte majorité à un « Front républicain » animé par Pierre Mendès-France, François MITTERRAND, Jacques CHABAN-DELMAS et Guy Mollet. Le président de la République, le Havrais René COTY, propose la présidence du Conseil à Pierre Mendès-France, qui la refuse. Néanmoins, il conseille la nomination de Guy Mollet. Celui-ci accepte au beau milieu de cette guerre d’Algérie qu’il qualifie lui-même d’« imbécile et sans issue ». Toutefois il ne milite pas pour l’indépendance mais pour un colonialisme libéral. Très mal reçu en Algérie début février 1956 par la population européenne (« la journée des tomates »), Guy Mollet va accroître la présence de l’armée et notamment ses pouvoirs de police et de justice. Il essaie toutefois de lutter contre l’utilisation de la torture.

En octobre-novembre 1956, la France s’allie à la Grande-Bretagne et à Israël contre l’Égypte dans l’expédition de Suez dont le canal a été nationalisé par NASSER. Cette expédition est un échec du fait de l’opposition de l’URSS et des USA, ce qui affirme un peu plus leur prépondérance face aux anciennes puissances coloniales et aux pays émergents. Le cabinet Mollet va toutefois faire adopter une troisième semaine de congés payés, une vignette automobile pour aider les personnes âgées sans ressources, des mesures d’aide au logement. Il accorde leur indépendance à la Tunisie et au Maroc, et l’autonomie à l’Afrique subsaharienne, prélude à son indépendance. En mars 1957, la France signe les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE).

En mai 1957, le cabinet Mollet est mis en minorité à l’Assemblée nationale et chute, établissant toutefois un record de longévité pour un gouvernement de la IVème République.

En mai 1958, Guy Mollet, alors vice-président du Conseil dans le cabinet Pfimlin se rallie au général DE GAULLE. C’est selon lui « le seul moyen d’éviter une guerre d’Espagne sans armée républicaine ». Il vote donc les pleins pouvoirs et est nommé ministre d’État chargé du statut général des fonctionnaires, ce qui provoque une crise au sein de la SFIO et le départ de certains membres qui finiront par former le PSU (« Parti socialiste unifié »). Il participe à la rédaction de la nouvelle constitution mais dès janvier 1959, il démissionne du gouvernement et retourne dans l’opposition, estimant que la nouvelle constitution restreint trop les droits du Parlement et les libertés publiques.

En 1965, Guy Mollet participe à la fondation de la « Fédération de la gauche démocrate et socialiste » (FGDS) qui soutient la candidature de François Mitterrand à l’élection présidentielle.

En 1969, la SFIO disparaît du paysage politique français, remplacée par le Parti socialiste (PS) dont François Mitterrand est nommé premier secrétaire. Guy Mollet se consacre alors à des travaux théoriques.

Il meurt d’un infarctus du myocarde à l’âge de 69 ans, et est inhumé à Arras.

Il était :

  • Officier de la Légion d’honneur depuis 1954 (fait chevalier en 1947 en tant que capitaine dans les FFI)

Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 11/09/2022