Antoine, Guy RUFENACHT

11/05/1939 Le Havre – 5/09/2020 Le Havre

Élève du lycée de garçons (1948-1954)

Membre à vie de l’Association

Homme politique. Administrateur de société


Photographie : Assemblée nationale.

Antoine Rufenacht naît au Havre dans une famille de négociants protestants originaires de la ville suisse de Thoune (en allemand Thun), dans l’Oberland bernois, installée au Havre dans la seconde moitié du XIXème siècle. Il est le fils de Charles Rufenacht, administrateur de sociétés, et de Odette KRONHEIMER, son épouse.

Il effectue une partie de sa scolarité dans notre lycée, puis la poursuit après la seconde à l’école des Roches de Verneuil-sur-Avre qui avait ouvert en 1950 une annexe dans l’ancien collège de Normandie, à Mont-Cauvaire, connue sous le nom des « Roches de Clères », un établissement privé huppé. Il passe ensuite par le lycée Jeanson-de-Sailly et la faculté de Droit de Paris, où il obtient une licence en Droit. Puis il est diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP ou « Sciences Po ») de Paris. Il passe ensuite, de 1966 à 1968, par l’École Nationale d’Administration (promotion Turgot). En 1967, il a épousé Liselotte ROBIN-MARIETON ; ils auront trois enfants.

Antoine Rufenacht va commencer sa carrière comme administrateur civil à la Direction du Trésor, jusqu’en 1972. Puis, il sera conseiller technique au cabinet d’Olivier GUICHARD, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et du Tourisme (1972-1974), puis à celui de Vincent ANSQUER, ministre du Commerce et de l’Artisanat (1974-1975).

Parallèlement, il va entrer en politique, adhérant à l’Union des démocrates pour la République (UDR) et, localement, assurer progressivement la succession du Docteur Maurice GEORGES, marié à Anne-Marie, fille de René COTY, membre fidèle, ainsi que sa sœur Geneviève, de notre Association. Dès 1973, il est élu conseiller général du 1er canton du Havre (il sera premier vice-président de cette assemblée de 1982 à 1992), puis, en 1975, député de la 6ème circonscription de la Seine-Maritime lors d’une élection partielle. Dès 1976, il sera secrétaire d’État (auprès du premier ministre, puis auprès du ministre de l’Industrie, du Commerce, et de l’Artisanat) dans les gouvernements de Raymond BARRE pendant le septennat de Valéry GISCARD D’ESTAING.

En 1977, pour la première fois, Antoine Rufenacht se présente aux élections municipales, sous l’étiquette du Rassemblement pour la République (RPR, qui a succédé en 1976 à l’UDR). Il dira plus tard : « Je pense qu'à l'époque j'étais un mauvais candidat, un peu trop arrogant, et je ne connaissais pas encore la ville en profondeur. […] En fait, j'ai pris une veste mémorable... ». Le Parti communiste reste une force politique importante au Havre, comme le prouve la nette victoire du sortant, André DUROMÉA, et Antoine Rufenacht ne va sauver son siège de député que de fort peu l’année suivante devant Daniel COLLIARD.

1981 va marquer une fracture dans la carrière d’Antoine Rufenacht. Aux élections présidentielles, si le RPR présente son président, Jacques CHIRAC, une candidature dissidente se fait jour, celle de Michel DEBRÉ, que Rufenacht va soutenir. La victoire de François MITTERRAND marque une apogée pour la gauche havraise, même si le Parti communiste recule. Aux élections législatives secondaires à la dissolution de l’Assemblée nationale, Antoine Rufenacht perd son siège de député.

En 1983, nouvelles élections municipales. Antoine Rufenacht, investi par le RPR et le PR (« Parti Républicain ») se présente à nouveau face au maire sortant, mais on compte parmi les candidats une liste centriste menée par Antoine LAGARDE, médecin généraliste, ancien président national d’une fédération de parents d’élèves. Rufenacht qualifiera cette période d’« effroyable » : « Chirac soutenait mon adversaire de droite en sous-main car j'avais soutenu Michel Debré lors de l'élection présidentielle de 1981. Il m'en voulait terriblement. On s'est, pendant très longtemps après, à peine dit bonjour. J'avais aussi contre moi toute la droite catho-sociale du Havre. Je subis même de basses attaques sur ma religion. […] Lagarde, c'était le ministère de la parole. Il ne connaissait strictement rien à la gestion d'une ville ». La gauche va l’emporter dès le premier tour, Antoine Rufenacht ne devançant Lagarde que de 140 voix, les deux listes recueillant au total moins de voix que la liste Rufenacht de 1977…

Toujours conseiller général, Antoine Rufenacht va redevenir, en 1986, député de la 7ème circonscription de la Seine-Maritime. En 1989, il sera de nouveau battu par André Duroméa aux élections municipales, mais en ayant la satisfaction de l’avoir poussé à un second tour malgré la présence d’une candidate RPR dissidente. En 1992, abandonnant le Conseil général, il se fait élire au Conseil régional de Haute-Normandie, dont il est nommé président en battant Laurent FABIUS, ancien premier ministre.

En 1995 se présentent à nouveau les élections municipales. Les élections présidentielles, pour lesquelles il a participé très activement à la campagne du président du RPR, qui viennent tout juste de se dérouler, ont donné au Havre une nette majorité à Lionel JOSPIN face à Jacques Chirac. Antoine Rufenacht confiera plus tard : « J'ai failli ne pas y aller ! Je ne voulais pas revivre une période à la Lagarde ». Certains observateurs lui confient tout de même qu’ils pensent les communistes en fin de cycle, et que la tentative d’André Duroméa d’assurer sa succession en ayant confié depuis quelques mois le fauteuil de maire à Daniel Colliard, sans doute moins populaire que lui, n’a pas donné les résultats escomptés. Ces mêmes observateurs ajoutent quand même qu’il faudrait trouver un leader plus populaire que lui pour enlever la mairie… Mais les candidats ne se bousculent pas… « Et je suis donc reparti à la bataille. Très sincèrement, je crois vraiment que s'il y avait eu alors quelqu'un que j'avais considéré comme un bon candidat, j'aurais été capable de le soutenir et de m'effacer... ». Il ne croyait pas en sa victoire, et nous le confirmera lors du banquet d’une de nos assemblées générales dont il était l’invité d’honneur. Et pourtant, cette quatrième tentative sera la bonne… Les objectifs avoués du nouveau maire : « réveiller la belle endormie » et « rendre leur fierté aux Havrais ». Il s’attache à faire savoir qu’il est des cités qui valent infiniment mieux que leur apparence ou leur réputation : « On arrive ici en pleurant, et on en repart aussi en pleurant ». Il ajoute encore : « On n’a pas le centre-ville de Rouen, le climat de Marseille, les immeubles XVIIIème de Bordeaux. Nous, notre atout, c’est la mer ». À noter ce paradoxe déjà vu auparavant avec Jules SIEGFRIED, Léon MEYER et Pierre COURANT : cette ville ouvrière, indubitablement « de gauche », s’est donnée pour maire un grand bourgeois… Pour reprendre le mot de Pierre ARDAILLOU, après une parenthèse rouge, Le Havre est redevenu une ville bleue.

Antoine Rufenacht ne prend pas d’adjoint aux affaires économiques, se réservant personnellement ce rôle-clé, et parie sur la renaissance économique et la rupture avec un certain « havrisme », cocktail d’isolement portuaire et d’anorexie économique. Pour lui, un des problèmes du Havre depuis 35 ans est de n’avoir jamais fait clairement le choix d’un centre-ville et de n’avoir pas concrétisé de nombreux projets, restés dans les cartons. Il décide également de faire de l’architecture de la ville reconstruite un atout et une fierté, ce qui aboutira, en 2001, à l’obtention du label « Ville d’Art et d’Histoire » puis, en 2005, à l’inscription du Havre au patrimoine mondial de l’UNESCO pour les 133 hectares de son centre reconstruit.

Photographie de Claude LEBLANC (Presse Havraise), avec son aimable autorisation.
Antoine Rufenacht, deuxième à partir de la droite, lors de l’assemblée générale des Anciens élèves, en 2016.

En 2001, puis en 2008, il sera réélu à la tête de la ville du Havre, avant de démissionner de ses fonctions en 2010, Édouard PHILIPPE lui succédant à ce poste. Il conservera des responsabilités au sein du parti UMP (« Union pour un mouvement populaire ») puis LR (« Les Républicains »), mais aussi sur le plan local avant de s’éteindre, à l’âge de 81 ans.

Antoine Rufenacht était :

  • Commandeur de la Légion d'honneur

Écrit par : Jean-Michel Cousin

Le 11/07/2022